« Consommez autrement ! », « Dépensez moins, consommez mieux ! », « Achetez local ! », « Acheter, c’est voter ! ». Ces injonctions, on les entend de plus en plus souvent.

En ces temps d’urgence climatique, les concepts de consommation responsable, de consommation éthique, de commerce équitable, de zéro déchet et d’achat local sont mis de l’avant comme autant de solutions à la crise écologique que nous vivons. 

Bien qu’intéressantes, ces solutions sont d’ordre individuel et font fi des facteurs systémiques qui influencent la consommation. 

Le vendredi 29 novembre sera la Journée sans achat. Pour l’occasion, prenons du recul par rapport à un débat imprégné de moralisme et de catastrophisme et saisissons l’occasion pour réfléchir à notre consommation… mais surtout à notre société de consommation et au gaspillage qu’elle induit.

Le gaspilleur n’est pas toujours celui qu’on pense

Nous vivons dans une société d’abondance et le phénomène du gaspillage a pris beaucoup d’ampleur dans bien des domaines.

Prenons l’exemple de l’industrie de la mode. Entre 2000 et 2018, la production de vêtements a presque triplé. L’an dernier, c’est 140 milliards de vêtements qui ont été produits dans le monde. Dans la lutte contre le gaspillage, le consommateur est souvent montré du doigt. Il consommerait trop et il consommerait mal. Il est vrai qu’il y beaucoup de gaspillage du côté de la consommation. Nous achèterions quatre fois plus de vêtements qu’en 1980.

Toutefois, le gaspillage est d’abord et avant tout du côté de la production. 

Produire les matières premières, les transformer et les transporter génère énormément de déchets. Par exemple, les énergies fossiles consommées dans la phase de production et dans le transport des composants et des produits finis produisent 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. C’est plus que le transport maritime et aérien international mis ensemble !

Sans compter que les entreprises produisent toujours plus. Certaines grandes chaînes de prêt-à-porter renouvelleraient leurs collections jusqu’à deux fois par semaine. Ainsi, l’appel à un effort d’autolimitation de la part des consommateurs ne suffit pas. Une fois que le vêtement est fabriqué, on arrive bien tard dans la boucle de réflexion.

Si on veut réellement lutter contre la surconsommation et le gaspillage, il faut transformer en profondeur notre modèle économique. Culpabiliser le consommateur n’est pas la solution. C’est notre système économique qui nous a amenés dans cette situation. Pour lutter contre les changements climatiques, c’est donc le système qu’il faut changer.

La consommation à la rescousse du climat ?

Ceci étant dit, le consommateur peut quand même jouer un rôle… dans une certaine mesure. L’urgence que représentent les changements climatiques impose la modification de notre consommation. Toutefois, les consommateurs sont enchâssés dans un système dont il est difficile de s’extraire.

Le système capitaliste dans lequel on vit repose sur la consommation des ménages. Bon an mal an, cette consommation représente 60 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Si nous arrêtions de consommer, l’économie s’écroulerait. Par conséquent, le gouvernement et les entreprises mettent beaucoup d’efforts pour nous faire consommer toujours davantage… et donc gaspiller toujours plus. Tout est mis en place pour que l’on continue de consommer de la même façon. Pensons seulement au phénomène d’obsolescence programmée.

Ainsi, si l’on veut réellement permettre aux consommateurs de jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques, il faut mieux les informer sur les impacts réels de leurs choix et leur offrir de véritables solutions de rechange.

Il faut cesser d’isoler la question de la consommation de celle de la production. Le gouvernement doit s’investir et mettre en place des politiques d’encadrement des entreprises ainsi que des incitatifs à l’action pour les consommateurs.

Aujourd’hui, les écarts de richesse sont plus importants que jamais. À l’approche de la Journée sans achat, demandons-nous s’il est juste de faire porter le poids des changements climatiques aux seuls consommateurs, ceux-là mêmes qui permettent aux entreprises de s’enrichir. Pour que les grandes entreprises puissent faire un maximum de profits, elles transfèrent aux consommateurs une partie de leurs coûts de production (les coûts environnementaux). Ne devraient-elles pas aussi faire leur part ?

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