Nos détaillants sont-ils numériquement prêts à profiter de l’énorme volume d’achats que généreront le Vendredi fou, le Cyberlundi et le temps des Fêtes ?

De nombreux détaillants se préparent avec fébrilité à fracasser de nouveaux records d’achats en ligne dans les prochains jours et semaines, alors que s’enchaîneront le Vendredi fou, le Cyberlundi et le temps des Fêtes.

Toute cette effervescence cache toutefois un sérieux problème : comment les commerçants québécois peuvent-ils rivaliser dans ce marché où de grands acteurs technologiques bouleversent des pans entiers de notre industrie ?

La direction du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) a indiqué récemment qu’il rentre annuellement au Québec entre 23 et 25 millions de colis en provenance des États-Unis et 10 millions de colis de la Chine. En octobre dernier, le CEFRIO a révélé pour sa part que 64 % des Québécois avaient fait un achat en ligne dans la dernière année et 47 % au cours du mois précédent. Et où faisaient-ils leurs achats ? D’abord et avant tout chez Amazon, dont la présence numérique écrasante a incité 44 % des Québécois à y faire un achat dans le mois précédent, un bond de 6 % sur l’année précédente. La même étude a démontré que 52 % des acheteurs en ligne au Québec avaient acheté sur des sites américains en 2018. Les chiffres font peur.

Si nos commerçants profiteront de la frénésie de consommation de fin d’année, il se passe un phénomène qui n’échappe plus à personne : le marché se déplace vers les canaux numériques. Là où de grands acteurs mondiaux de ce qu’on appelle « l’économie de plateformes » dominent sans conteste. Mais où en sont les acteurs d’ici ?

Si quelques grandes enseignes québécoises ont eu le courage d’investir des sommes considérables dans leur transformation numérique sans pour autant s’assurer un avenir à long terme, imaginez dans quelle situation se trouvent les plus petits.

Le virage numérique, c’est plus compliqué et coûteux que la simple mise en ligne d’une boutique en ligne.

Chez Quilicot, notre taille nous a permis de justesse de prendre les risques liés à notre transformation. Mais notre situation n’est pas celle de la grande majorité des commerçants. Pour arriver à leurs fins, les commerçants ont besoin de créer des emplois hautement spécialisés qui leur permettront notamment d’automatiser leur chaîne d’approvisionnement ou mettre en place des systèmes de gestion de la relation clients (CRM) par exemple. Cette transformation est à la fois coûteuse et déstabilisante. Pas étonnant que plusieurs commerçants hésitent à faire le saut sans un soutien.

Des initiatives récentes pourraient laisser croire que la situation s’améliore. Le problème, c’est que la quasi-totalité de ces mesures ne concernent qu’une petite portion des commerçants. Par exemple, le crédit d’impôt qui existe pour soutenir les investissements n’est pas adapté à la réalité des petits joueurs. Il y a également le programme d’accompagnement vers le virage numérique du gouvernement du Québec qui arrive à terme. Déployé avec la collaboration du CQCD, ce programme a accompagné 1 300 détaillants afin d’évaluer et implanter des plateformes de ventes en ligne. Certes une initiative intéressante, dans la mesure où elle a une suite! La mécanique derrière la vente en ligne n’est que la pointe de l’iceberg. Tout ce qui l’entoure nécessite analyses, diagnostiques, plans d’action, stratégies de changement et d’appropriation technologiques multiniveaux.

Encourageons les acteurs à prendre le virage !

On ne peut plus attendre. Il faut s’occuper de notre industrie. Il faut encourager les acteurs qui prennent des risques, qui sont prêts à prendre le taureau par les cornes ! Car il y en a du courage au Québec, mais les moyens ne sont pas au rendez-vous. De l’aide financière directe, accessible à un plus grand nombre de commerçants et des initiatives structurantes doivent être imaginées et déployées de façon urgente. N’oublions pas que l’impact économique du commerce de détail est énorme. Il compte 500 000 emplois au Québec, ce qui en fait le deuxième secteur en employabilité au Québec. Bien plus, un dollar sur trois qui entre dans notre économie transite par le commerce de détail. À lui seul, ce dernier représente 6 % du PIB.

À l’heure des écosystèmes d’innovation ouverte et des organisations agiles, il y a certainement ici une occasion unique de créer un modèle québécois de transformation numérique accéléré de notre industrie et, ainsi, assurer la pérennité de notre commerce d’ici.

Des initiatives telles qu’on en trouve du côté ontarien avec le Digital Main Street où le gouvernement ontarien offre des programmes de développement de compétences et des bourses de transformation numérique aux commerces de 1 à 99 employés et soutient les municipalités qui mettent sur pied des brigades locales ayant pour mandat d’accompagner les petits commerçants dans leur transformation.

Heureusement, les Québécois ont élu un gouvernement qui comprend bien les réalités d’affaires et qui veut agir concrètement pour assurer l’avenir de nos entreprises. Il y a urgence qu’une structure légère telle une cellule de réflexion composée de commerçants, d’experts en commerce électronique et de décideurs du gouvernement voie le jour et redéfinisse au plus tôt la stratégie de transformation numérique de nos commerçants. Il en va de l’avenir d’un secteur qui, doit-on le rappeler, constitue souvent le poumon économique et social de nombre de villes et villages à travers le Québec.

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