En réponse à l’éditorial d’Alexandre Sirois, « La maternelle 4 ans mérite mieux », publié le 28 octobre

Alors que le projet de loi 5 élargissant la maternelle 4 ans partout au Québec est sur le point d’être adopté à l’Assemblée nationale, force est de constater que le débat a été très polarisé et que les faits ont souvent été relégués au second plan. Le gouvernement a foncé tête baissée pour réaliser une promesse électorale sans regarder le portrait complet de la situation.

Dans son éditorial du 28 octobre dernier, Alexandre Sirois souligne qu’un très grand nombre d’enfants ne fréquentant pas un CPE pourront bénéficier d’un milieu de qualité grâce à la maternelle 4 ans. D’entrée de jeu, soulignons que cet énoncé omet un acteur de taille : les milieux familiaux régis et subventionnés. Ceux-ci accueillent chaque année près de 90 000 enfants, soit autant qu’en CPE. Ces milieux ont d’ailleurs été les plus performants dans l’Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle (EQPPEM) concernant le nombre d’enfants qui commencent l’école sans vulnérabilité dans une des sphères de leur développement.

Le premier ministre François Legault réitère sans cesse l’urgence de déployer des maternelles 4 ans pour éviter ces vulnérabilités. Or, les études sont claires : un enfant qui a fréquenté un service éducatif à la petite enfance développera moins de vulnérabilité qu’un enfant qui est resté à la maison ou qui a fréquenté uniquement la maternelle 4 ans.

L’école à 4 ans peut venir en aide à certaines familles, mais l’accès à une place dans un service éducatif de qualité au moment choisi par les parents devrait être assuré prioritairement.

Les études nous apprennent également que deux des principaux facteurs favorisant le développement de vulnérabilité sont les changements de milieu à répétition et le fait de laisser son enfant plus de 50 heures dans un service éducatif. Si le gouvernement souhaite véritablement diminuer les vulnérabilités chez les enfants, il devrait agir sur la conciliation travail-famille-études et améliorer l’accès à un service éducatif de qualité, tant géographiquement que financièrement. C’est bien beau de dire que l’on offre le service, mais quand des parents restent sur des listes d’attente durant des années, ça n’aide pas les parents, et encore moins nos tout-petits !

M. Sirois évoque également un mystérieux chiffre de 160 000 enfants qui n’ont pas accès à un service éducatif régi par l’État pour justifier l’urgence d’agir. Bien que les enfants hors du réseau de la petite enfance méritent des mesures ciblées, il faut souligner l’absurdité de cette donnée, sortie tout droit des services de presse du gouvernement. En effet, pour gonfler au maximum la catastrophe des enfants hors du réseau, on a inclus tous les enfants de 0 à 5 ans, y compris les poupons, de leur naissance à leur premier anniversaire. Quand on sait que la plupart des parents bénéficient du Régime québécois d’assurance parentale, on peut se demander comment un gouvernement le moindrement sérieux peut lancer ce genre de chiffre qui ne veut rien dire.

Pourquoi la maternelle 4 ans ?

Revenons-en donc à l’essentiel : pourquoi la maternelle 4 ans ? Ce n’est pas pour aider les enfants ayant des besoins particuliers ou encore les enfants doués comme le répète ad nauseam la Coalition avenir Québec depuis son élection. C’est plutôt une mesure ciblée pour les milieux défavorisés dont certains parents n’utilisaient pas les services éducatifs à la petite enfance pour diverses raisons, notamment culturelles.

Dans certains milieux, les services éducatifs sont encore perçus comme de la garde d’enfant et non des services éducatifs à part entière.

Il est ainsi plus facile et valorisant pour certains parents, principalement en milieu défavorisé, d’envoyer leur enfant dans une maternelle que dans un CPE ou un milieu familial régi et subventionné. D’ailleurs, un des volets importants de la maternelle 4 ans touche le soutien offert aux parents des communautés qui la fréquentent.

Alors que les coûts d’implantation de la maternelle 4 ans universelle explosent partout au Québec, nous réitérons, une fois de plus, l’importance d’avoir une vision globale de nos services à la petite enfance. La construction d’une classe de maternelle 4 ans pour 11 enfants en moyenne permettrait de construire un CPE pour 60 enfants. Tout est une question de choix et de priorités.

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