Dans la foulée des élections fédérales de la semaine dernière, il est tentant de conclure que rien n’a vraiment changé au pays depuis l’échec de l’accord du lac Meech il y a 30 ans.

Cela avait provoqué la création du Bloc québécois et du Reform Party, de même que la fin de la coalition Québec-Ouest à la base du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney.

Le Canada de Pierre Elliott Trudeau

Les deux vieilles aliénations régionales sont toujours là, avec les conservateurs massivement présents en Alberta et en Saskatchewan, sans oublier la renaissance d’un Bloc québécois qui semblait moribond. Pendant ce temps-là, l’Ontario continue de décider quel parti formera le gouvernement.

La victoire fédéraliste au référendum de 1995 n’a pas fait disparaître la foi souverainiste de certains Québécois, alors que trois mandats où l’Ouest a été au pouvoir avec Stephen Harper n’empêchent pas les Prairies d’être plus frustrées que jamais.

PHOTO JASON FRANSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre de l'Alberta Jason Kenney ressemble à son prédécesseur Peter Lougheed dans les années 80, juge l'auteur.

Si l’on remonte plus loin encore, le premier ministre albertain Jason Kenney ressemble à son prédécesseur Peter Lougheed dans les années 80, pendant que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau pourra compter sur l’appui du NPD pour gouverner. Comme son père en 1972 !

Justin Trudeau semble le gardien d’un pays immuable en grande partie depuis sa refondation par Pierre Elliott Trudeau en 1982.

Le Québec encore une fois favorisé

Des choses ont évidemment changé. Avec un multiculturalisme devenu malsain parce que sans limites, la plus importante est sans doute que l’aliénation dans l’Ouest constitue pour le pays un problème plus aigu que la question du Québec.

Ce dernier, avec son économie prospère et la lune de miel qui se poursuit avec le gouvernement Legault, apparaît à l’aise dans l’immédiat avec les résultats des élections qui ont correspondu à ce que voulaient bien des Québécois : donner une leçon au gouvernement Trudeau tout en ne mettant pas les conservateurs du pouvoir.

L’influence québécoise au sein du Canada aurait sans doute été plus grande avec un gouvernement conservateur minoritaire obligé de s’appuyer sur les députés du Bloc québécois, avec une possibilité de reconstitution de l’alliance Ouest-Québec.

Cela dit, vu de l’Alberta, le Québec apparaît bénéficier encore une fois d’un traitement de faveur au sein du Canada, à la fois capable d’empêcher la construction d’un pipeline sur son territoire tout en continuant, lui, à avoir des représentants au sein d’un gouvernement fédéral dirigé par un Québécois. Cela, après avoir démontré qu’il constituait une société distincte avec 32 députés voués à ses intérêts spécifiques.

Cela augmente les chances que le gouvernement Kenney tienne un référendum sur la péréquation, avec comme objectif de diminuer les sommes trop importantes – 13 milliards cette année – que reçoit le Québec en partie grâce au pétrole albertain.

C’est que le Québec est désormais perçu par bien des Albertains comme l’adversaire numéro un d’une province en profonde difficulté économique, en raison de son opposition au passage d’un pipeline permettant au pétrole albertain de s’exporter.

C’est évidemment faux. Les problèmes de l’Alberta sont attribuables aux autochtones, aux groupes environnementaux, à la Colombie-Britannique et à Ottawa, beaucoup plus qu’à un pipeline québécois dont plus grand-monde ne parlait jusqu’au maladroit « pétrole sale » de François Legault.

Sans oublier la responsabilité des gouvernements albertains qui ont mis tous leurs œufs dans le même panier pétrolier sans profiter des années de vaches grasses pour diversifier l’économie de leur province.

Environnement contre pétrole

L’opposition québécoise viscérale à tout projet de pipeline se rattache elle aussi à des considérations irrationnelles, ce mode de transport se révélant moins dangereux que le transport par chemin de fer, comme la tragédie de Lac-Mégantic l’a rappelé.

La francophobie revigorée de l’Alberta se nourrit d’une préoccupation pour la lutte contre les changements climatiques qui est devenue l’idéologie dominante au Québec, au cœur du nationalisme de bien des jeunes.

On est loin de la position de François Legault avant son arrivée au pouvoir, qui était moins opposé au principe d’un pipeline qu’au fait que le Québec n’en retirerait pas suffisamment de bénéfices.

Comment concilier la montée des préoccupations relativement aux changements climatiques, non seulement au Québec mais également dans le reste du pays, avec le fait que le Canada reste l’un des plus grands producteurs d’énergie de la planète ?

N’en déplaise aux Dominic Champagne de ce monde, il n’est pas question de fermer l’Alberta ni de couler Bay Street.

Des Albertains se plaignent de ce que, dans aucun autre pays au monde, il ne serait envisageable qu’une région soit empêchée d’exporter ce qu’elle produit parce qu’elle est enclavée au sein de ce pays. Certains se remettent à rêver d’une indépendance albertaine chimérique.

Cela n’est pas sans rappeler ces souverainistes revigorés par le succès du Bloc québécois qui se remettent à rêver d’une indépendance qui reste, elle, possible à long terme mais s’avère irréaliste à l’ère actuelle.

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