Voilà que le dépôt des demandes syndicales est chose faite et que les enseignantes* ont demandé 8 % d’augmentation salariale. D’ores et déjà, nous exhortons nos collègues enseignantes à rester fortes. Les prochains mois pourraient être difficiles. Les médias faiseurs d’opinions et le gouvernement feront leurs choux gras de nos moyens de pression.

On les entend déjà nous dire que nous sommes toujours en vacances. Prendront-ils le temps d’étudier nos conditions salariales pour comprendre que nous sommes payées pour 10 mois de travail, mais que cette somme est répartie sur 12 mois ? Autrement dit, les deux mois d’été sont payés avec notre argent mis de côté durant l’année. D’ailleurs, rappelons-leur qu’étant en congé forcé durant la haute saison, nous payons le prix fort pour nos vacances.

On entendra que le Québec n’a pas les moyens d’augmenter le salaire des enseignantes. Elles ne demandent pourtant pas la lune en réclamant rien de plus que la moyenne canadienne, car pour l’instant, elles en sont bien en dessous. En fait, elles sont les enseignantes les moins bien payées du Canada. Une injustice difficile à défendre car, selon l’Institut du Québec, le budget du gouvernement québécois affiche des surplus de plusieurs milliards de dollars.

On demandera aux enseignantes de ne pas prendre les élèves en otage, sans mentionner que les otages, négociation après négociation, ce sont elles.

Les enseignantes sont continuellement tiraillées entre la revendication de bonnes conditions de travail et leur souci constant de leurs élèves. Pour leurs élèves, elles continuent de faire autant de bénévolat, de travail au rabais pour organiser des spectacles, des bals, des sorties aux salons du livre ou au théâtre. Pour leurs élèves, elles donnent des heures de récupération qui vont au-delà de ce qu’on leur reconnaît et corrigent en dehors des heures payées, entre autres. Pour leurs élèves, les enseignantes travaillent la fin de semaine pour créer des activités d’apprentissage diversifiées, des évaluations probantes et du matériel intéressant. Et c’est sans compter qu’elles enseignent dans des classes surpeuplées pas toujours faciles.

Une vocation, dit-on

Quand les enseignantes disent qu’elles n’en peuvent plus et que cela en fait trop, on leur répond que l’enseignement est une vocation, qu’il est normal de faire plus avec moins, de travailler la fin de semaine au détriment de sa santé mentale et de sa famille et de payer soi-même ses fournitures (horloge, enveloppes, punaises, décorations, etc.) pour pallier le désinvestissement public continuel. Nous répondons que c’est faux.

Demande-t-on aux ingénieurs, aux comptables et aux avocats ou à tout autre membre d’une profession historiquement masculine de travailler bénévolement les soirs et la fin de semaine ?

Les enseignantes détiennent une formation universitaire et sont des professionnelles qui méritent d’être payées comme telles.

Rappelons que Jean-François Roberge, jadis enseignant, maintenant ministre, et François Legault proposaient en 2011 de majorer le salaire des enseignantes de 20 %. Eh bien, force est de constater que les enseignantes sont plus raisonnables pour les finances publiques du Québec que la CAQ ne l’était.

À ce gouvernement qui a promis de faire de l’éducation une urgence nationale, nous demandons de porter une attention particulière aux conditions de travail et aux conditions salariales des enseignantes. Si la valorisation de la profession est importante pour lui, il trouvera des oreilles attentives de l’autre côté de la table de négociation. Comme le disait Abraham Lincoln, un grand syndicaliste : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » Investir dans les enseignantes, une dépense qui en vaut le coup.

* Le féminin est employé puisque la majorité des enseignantes sont des femmes. C’est malheureusement pour cette raison que leurs conditions salariales sont traditionnellement moins bonnes que celles des métiers à prépondérance masculine. Il est temps que cela change.

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