Les données personnelles que nous laissons derrière nous sont innombrables.

La force des grandes entreprises internet américaines est leur capacité à croiser des données et fournir aux annonceurs un bassin de consommateurs catégorisés de plus en plus précisément.

Un acteur comme Google, qui possède non seulement le moteur de recherche le plus populaire sur la planète, mais également le système d’exploitation pour téléphone le plus utilisé (Android) et le site de visionnement le plus consulté (YouTube), en connaît un brin sur vos habitudes, vos goûts et vos besoins. Facebook vous connaît très bien aussi. Vos amis, vos photos sur Instagram et les appels que vous faites sur Messenger.

De plus en plus de gens se questionnent sur l’ampleur de ces monopoles et sur la pertinence de scinder ces monstres en plusieurs morceaux. C’est d’ailleurs ce qu’a évoqué Elizabeth Warren, candidate à l’investiture démocrate, et qui lui a valu une réplique cinglante de Mark Zuckerberg qui ne veut pas que l’on touche à sa poule aux œufs d’or.

La récolte d’informations est souvent faite de manière insidieuse. Prenez quelques minutes pour explorer les sections « données personnelles » sur votre téléphone ou sur les sites de médias sociaux que vous fréquentez. Vous serez surpris de constater tout ce qui est accumulé à votre insu. On vous suit à la trace. Vos exercices, vos déplacements, les commerces visités, les articles sur les sites web consultés, les produits achetés. Tout cela ne constitue que la pointe de l’iceberg.

La protection de la vie privée et la protection des données personnelles nécessitent des interventions musclées de nos gouvernements. Un cadre réglementaire modernisé doit être mis en place.

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« À titre de citoyen, je veux m’assurer que mes données personnelles sont protégées », écrit Alexandre Taillefer.

L’Europe fait figure de pionnier à cet égard en imposant des restrictions importantes jumelées à des amendes salées imposées aux sociétés délinquantes.

Toute cette mouvance autour des données personnelles ne pourrait-elle pas constituer une occasion d’innover au-delà des attentes de base des citoyens ?

On sait que la très grande quantité d’informations récoltées sert à alimenter des algorithmes utilisant l’intelligence artificielle. La différence entre analyser quelques centaines de millions d’informations et des milliards de milliards est énorme, comme le sait quiconque travaille dans l’univers du big data.

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Un peu comme pour leur niveau de productivité, la grande majorité de nos entreprises traînent la patte quand vient le temps d’exploiter efficacement leur data. Il existe de rares exceptions qui inspirent, mais plusieurs de nos grands acteurs comptent sur des programmes de fidélité externes ou utilisent des développements internes primitifs.

Imaginons un instant un registre centralisé qui agrégerait toutes les données personnelles de nos citoyens, en dehors des informations de nature hautement confidentielle.

Un registre auquel devrait adhérer toute entreprise ou organisme qui récolte et souhaite utiliser des données. Les informations transactionnelles, les données géolocalisées, le contenu consulté provenant des détaillants, des sociétés de transport, et j’en passe. Ce registre permettrait au citoyen de donner les accès qu’il souhaite aux entreprises de son choix.

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Je conçois qu’il s’agisse d’une tâche herculéenne non dénuée de défis et de risques, qu’ils soient technologiques, éthiques ou autres. Mais nous avons le temps d’y réfléchir : la récolte et l’exploitation du data ne font que commencer. Et nous avons les cerveaux et le talent pour réaliser un projet ambitieux qui nous ressemble, nous protège et nous favorise.

À titre de citoyen, je veux m’assurer que mes données personnelles sont protégées, que je choisis précisément quelles informations peuvent être récoltées, comment elles peuvent être utilisées et par qui.

Je veux pouvoir modifier ces accès en tout temps, à un seul endroit et purger toute l’information que je souhaite. Je ne veux pas me promener sur des centaines de sites pour y arriver. Et je veux avoir confiance que le tout sera géré à mon seul bénéfice, sans malice et sans arrière-pensées.

À titre d’entreprise d’ici ou d’ailleurs, je valorise une source centralisée qui me permette de mieux comprendre le profil et les besoins de ma clientèle et qui facilite le respect des lois et des règlements en vigueur. Je veux agir en toute transparence et gagner ainsi la confiance de mes clients.

À titre de société, j’y vois une occasion inouïe de mieux comprendre ma population, de permettre à nos gouvernements de développer de meilleurs programmes répondant aux objectifs que nous nous serons globalement fixés, et détecter de façon beaucoup plus rapide et efficace l’impact de mes interventions.

J’y vois aussi l’occasion de devenir pionnière dans un secteur à très fort potentiel et ainsi permettre à des centaines d’entreprises de se développer. Je protège mon écosystème local contre une appropriation éhontée des données par des monopoles de plus en plus puissants, leur fournissant aujourd’hui un avantage indu. J’agis localement afin d’éviter d’être à la remorque des décisions d’autres gouvernements qui tardent malheureusement trop souvent.

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