Un sondage Léger, mené pour Le Devoir en plein milieu de la semaine du climat, démontre que c’est d’abord « l’économie et les taxes (43 %) » qui influenceront le vote des Canadiens le 21 octobre prochain, tandis que les changements climatiques (16 %) figurent au troisième rang, derrière les « enjeux sociaux et l’aide aux plus démunis » (19 %). Ces chiffres, s’ils déçoivent les partisans d’une action plus énergique des gouvernements pour limiter le réchauffement de la planète, ne rendent pas justice aux efforts de milliers d’entrepreneurs qui ont saisi les nombreuses possibilités d’affaires que leur offrent ces perturbations du climat.

Le président et chef de la direction d’Énergie renouvelable Brookfield affirmait, le 28 septembre dernier, que des investissements de 1 500 milliards de dollars (US) faits dans l’énergie renouvelable dans les cinq dernières années ont permis le développement d’une capacité de production d’un million de mégawatts à travers la planète. C’est comme si on avait construit 27 Hydro-Québec en cinq ans. 

Ce n’est pas fini puisque, toujours selon le chef de la direction de Brookfield, les investissements dans l’énergie renouvelable s’accéléreront au cours des 10 prochaines années pour se situer entre 5 000 et 10 000 milliards. La contribution de la Chine et de l’Inde sera importante puisque ces deux pays comptent doubler, d’ici 2030, la proportion de leur électricité produite à partir de sources renouvelables. La Chine se promet d’atteindre cet objectif tout en poursuivant un ambitieux programme d’électrification de ses transports routiers.

Bien que les objectifs de réduction de gaz à effet de serre aient joué ici un rôle important, cette accélération anticipée des investissements privés s’explique aussi par la compétitivité des sources d’énergie renouvelable. L’éolien terrestre offre maintenant les coûts de production les plus faibles, toutes sources d’énergie confondues, suivi par le solaire et le gaz naturel. Quant au charbon, son utilisation pour générer de l’électricité en Europe et en Amérique du Nord a baissé de 30 % depuis 2013. 

Pour la première année depuis le début de la révolution industrielle, on a fermé plus de centrales au charbon en 2018 à travers le monde qu’on en a ouvert.

Le développement spectaculaire envisagé pour l’énergie renouvelable n’est pas le seul ennemi des sources d’énergie fossile. De grosses pointures du monde des affaires, comme Bill Gates et Murray Edwards, président du conseil de Canadian Natural Resources, ont investi de leur fortune personnelle dans une société de la Colombie-Britannique, Carbon Engineering, qui a mis au point un procédé relativement simple qui permet la capture du gaz carbonique dans l’atmosphère pour, au choix, l’enfouir dans le sol de façon permanente après l’avoir concentré ou le transformer en carburant à faible teneur en carbone pour les voitures, les camions et les avions. Chaque usine pourrait, selon les dirigeants de l’entreprise, être construite pour récupérer un million de tonnes de gaz carbonique par an. Il faudrait planter 40 millions d’arbres pour atteindre le même résultat. Cette technologie n’est pas gratuite puisque la capture seulement coûte un peu moins de 100 US $ la tonne de carbone. Il s’agit quand même d’une aubaine par rapport aux technologies antérieures de capture dont le coût est beaucoup plus élevé.

Tous ces développements, conjugués à l’accélération de l’utilisation de voitures électriques, auront à plus ou moins long terme un impact sur la consommation mondiale de pétrole. Des experts prédisent que la consommation de l’or noir est tout près de son sommet et que la demande de pétrole commencera à baisser d’ici trois à cinq ans. Une moindre demande réduira le prix de vente de cette source d’énergie. Comme le coût de production du pétrole des sables bitumineux canadiens se situe en haut de la courbe des coûts, les producteurs canadiens seront parmi les premiers à diminuer ou à cesser leur production puisque celle-ci ne sera plus rentable.

Malgré toutes ces tendances, le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, propose la création d’un corridor énergétique de l’Atlantique au Pacifique au coût, selon certains, d’un investissement de 100 milliards de dollars. Il faudra plusieurs années pour réaliser ce projet, si jamais on y arrive. Il sera trop tard alors pour y transporter du pétrole puisque la consommation mondiale aura amorcé sa descente. On risque d’investir 100 milliards pour rien.

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