Mon histoire a commencé à la rentrée scolaire 2010. Ma fille aînée faisait cette année-là son entrée à la maternelle.

Au moment de choisir les nouveaux membres du conseil d’établissement, les candidatures étaient trop peu nombreuses… La présidente s’est tournée vers moi et a dit : « Martin, tu viens avec nous ? », j’ai accepté. C’est comme ça, un peu par hasard, qu’a débuté la longue chaîne d’événements qui m’a mené à écrire ce texte aujourd’hui.

Tout doucement, j’ai fait mon chemin : j’ai appris comment fonctionnent une école et les bases de la démocratie scolaire pendant l’an un de mon mandat.

Du conseil d’établissement au conseil des commissaires, c’est une mécanique simple qui garantit que les intérêts de toute la population sont pris en compte.

L’année électorale scolaire de 2014 commençait à la suite de cette expérience qui m’avait montré que la démocratie est un exercice de vigilance. Je n’avais vu le commissaire me représentant que trois ou quatre fois au cours de quatre années d’implication scolaire ; je savais qu’un dépassement de la capacité d’accueil était imminent dans l’une des écoles de ma circonscription, et qu’il faudrait que quelqu’un garde cette situation à l’œil pour éviter que les choses ne dégénèrent. J’étais l’un des seuls dans le milieu à pouvoir agir pour empêcher la catastrophe. Le poste de commissaire de la circonscription 03 était disponible et j’avais la possibilité d’accomplir quelque chose de bien pour ma communauté.

Dès mon élection, je me suis mis au travail. Mon ancien commissaire n’était pas très près des conseils d’établissements — il importe de noter que le commissaire n’a pas pour tâche de visiter les conseils d’établissement, il n’est pas payé pour ça et ne reçoit aucune compensation pour son déplacement —, j’allais les visiter le plus souvent possible.

Je peux vous dire avec fierté que j’ai assisté à la majorité des rencontres de conseils d’établissement et que c’est là que j’ai appris à mieux connaître les milieux que je dois représenter. 

Plusieurs fois, j’ai porté leurs demandes ou leurs besoins devant le conseil des commissaires ou à la direction générale.

Trop d’élèves

Le gros dossier de mon mandat fut sans conteste celui d’un dépassement de clientèle dans l’une de « mes » écoles. Les prévisions étaient sans équivoque : près de 50 enfants de la communauté seraient en trop dans un horizon de cinq ans. La Loi sur l’instruction publique était claire : aucun financement ne serait accordé à la commission scolaire pour la construction de salles de classe, parce que nous pouvions déplacer des enfants vers le village voisin. Celui-ci était à 18 kilomètres, soit juste assez près pour que soit refusé un financement. La municipalité projetait à cette époque la construction d’un gymnase doté de locaux communautaires sur un terrain lui appartenant près de l’école.

Je suis allé rencontrer les élus de cette municipalité pour leur exposer le problème, et il ne leur fallut que peu de temps pour conclure que le déplacement de ces enfants était inacceptable. Un terrain voisin de l’école et assez grand pour leur projet était disponible, ils firent une offre qui fut acceptée. C’était une situation idéale de collaboration entre deux administrations publiques ; le gymnase serait mis à la disposition de l’école de jour pour être utilisé par les enfants, et le soir, serait rendu à la municipalité pour les activités de loisir. Des locaux étaient même offerts pour servir de salle de classe aussi longtemps que nécessaire et ainsi garder les enfants dans leur milieu.

Encore fallait-il parvenir à une entente officielle entre les deux organisations. Pendant des semaines, j’ai fait l’aller-retour entre la directrice générale de la municipalité et le directeur des ressources matérielles de la commission scolaire pour m’assurer que le dossier reste actif.

Le temps pressait, la construction devait être prête pour la rentrée à l’automne suivant sans quoi les premiers enfants à être déplacés ne pourraient étudier dans leur village. J’ai arrondi les aspérités, secoué quelques puces et même organisé une rencontre entre les têtes dirigeantes des deux organisations au moment où le torchon brûlait au point de retarder ou même de mettre en péril le projet.

Une fois l’entente bien ficelée et ratifiée par les deux parties, la municipalité a pu lancer les travaux. Défiant tous les pronostics, le chantier lancé en mars fut terminé à temps pour la rentrée, un exploit dans le domaine public. Il ne restait que quelques détails à compléter, ce qui fut fait dans les semaines suivantes.

Je suis convaincu que sans l’intervention politique d’un commissaire élu dans ce dossier, l’entente n’aurait pas été conclue à temps, peut-être même jamais, et des dizaines de familles en auraient souffert.

Pour la petite histoire, seuls trois élèves ont été déplacés l’année précédant la construction.

En cette rentrée 2019, j’attends avec résignation le projet de loi censé enterrer ces institutions démocratiques mal aimées que sont les commissions scolaires. Ce ne sont pas les maigres salaires de 3000 ou 4000 $ dollars annuels que gagne la vaste majorité de mes collègues qui feront la différence en éducation.

Collègues, soyez fiers

La concentration des pouvoirs à Québec ou dans les conseils d’établissement, où souvent les parents sont mal formés ou n’ont pas conscience de l’étendue réelle de leurs pouvoirs, ne fera pas mieux. Qui, d’ailleurs, acceptera de siéger dans les conseils d’administration des centres de services, d’assister à toutes les réunions, à tous les comités plusieurs fois par semaine et sans aucun salaire, comme le prévoit le ministre ? Où sera l’équilibre quand ces bénévoles feront face à du personnel salarié et organisé ?

À vous tous qui êtes mes collègues dans les 72 commissions scolaires de la province, soyez fiers ! Montrez à tous ce que nous avons accompli, expliquez comment nos actions peuvent être bénéfiques au système d’éducation.

À vous qui êtes nos électeurs, n’hésitez pas à nous interpeller : nous sommes la courroie de transmission entre vous et l’administration de notre bien le plus précieux qu’est l’éducation. Nos adresses courriel sont sur le site de votre commission scolaire ; n’hésitez pas et écrivez-nous.

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