Durant les deux dernières campagnes électorales provinciales, des candidats impressionnants issus des milieux économiques ont fait leur entrée en politique.

Lors de celle de 2014, les candidatures de Carlos Leitão, de Martin Coiteux et de Jacques Daoust ont été déterminantes pour le Parti libéral du Québec. Le PLQ avait misé avec raison sur l’économie pour reprendre le pouvoir. François Legault a aussi recruté de fortes pointures pour les élections de 2018 – l’arrivée d’Eric Girard, de Pierre Fitzgibbon et de Christian Dubé (un retour dans son cas) a convaincu l’électorat que l’économie jouerait un rôle de premier plan dans un gouvernement caquiste.

J’ai toujours été épaté par les programmes en place au Québec pour venir en aide aux gens d’affaires. Mais plus encore, par la qualité et l’ingéniosité de ceux qui ont occupé le poste névralgique de ministre du Développement économique depuis les 15 dernières années.

Mes responsabilités ministérielles à Ottawa m’ont permis de travailler étroitement avec Raymond Bachand. Nous avons aussi travaillé de concert à la sauvegarde du Grand Prix du Canada. Il avait le même engouement pour l’entrepreneur en région avec 12 employés que la présidente d’une société avec une capitalisation boursière de 1 milliard. Pierre Fitzgibbon donne la même impression : toujours à la recherche de solutions, jamais trop loin de son téléphone.

Du côté fédéral

Les champs d’intervention pour un ministre avec un portefeuille économique au fédéral sont moins nombreux qu’au Québec. Le ministre des Finances, Bill Morneau, exerce des pouvoirs qui touchent bien entendu directement les contribuables (particulièrement ceux de taxer, dont il maîtrise les rouages). Son collègue au ministère du Développement économique (Navdeep Bains) n’a pas du tout la même marge de manœuvre que son homologue Fitzgibbon au Québec.

Ottawa pond de grands programmes normés — ceux autour de l’intelligence artificielle ou de l’aérospatiale, par exemple — à l’extérieur desquels l’intervention ministérielle devient très discrète. Contrairement à Investissement Québec, Exportation et développement Canada (EDC) et la Banque de développement du Canada (BDC), deux sociétés de la Couronne fédérale qui rendent des services importants aux entrepreneurs canadiens, fonctionnent à distance du gouvernement.

Les partis fédéraux commencent à dévoiler leurs programmes économiques. Au-delà des engagements, l’expérience du Québec nous enseigne qu’il est essentiel de garder aussi un œil sur ceux qui seront appelés à les mettre en œuvre.

Justin Trudeau n’a pas une grande expérience dans le secteur des affaires et n’a d’ailleurs jamais prétendu le contraire. Il a ciblé M. Morneau comme candidat en 2015 en sachant très bien qu’il l’affranchirait de cette carence. M. Bains, quant à lui, est entré en politique à l’âge de 27 ans. Difficile de lui demander de présider des solutions dirigées vers des entreprises alors que son expérience de vie se limite essentiellement à la politique. En contraste, MM. Bachand et Fitzgibbon avaient tous deux au-delà de 25 ans d’expérience dans le milieu des affaires quand ils se sont lancés en politique.

L’analyse de la performance économique d’un gouvernement repose aussi sur les questions d’emploi et de politiques fiscales. L’emploi carbure bien au Canada – certes, il existe des disparités régionales, mais bien malhonnête celui qui prétendra le contraire. Contrairement aux élections de 2015, le programme économique du Parti libéral du Canada, cette fois, ne laisse place à aucune interprétation : les déficits budgétaires importants se poursuivront.

Stephen Harper avait une approche dogmatique face aux déficits budgétaires qui est venue près de lui coûter le pouvoir lors de la crise financière de 2008. Minoritaire, il refusait de tabler sur des mesures pour stimuler l’économie. Il s’est rendu à l’évidence, non sans peine, qu’il fallait agir.

Avec une marge de manœuvre bâtie grâce à une gestion prudente des dépenses de l’État, M. Harper avait pu mettre en œuvre plusieurs mesures qui ont permis à l’économie de redémarrer. Mais s’il fallait que l’économie ralentisse dans les prochaines années, de quelles options disposerait alors le gouvernement pour stimuler l’économie ?

Je ne suis pas opposé philosophiquement à un déficit budgétaire. Il se peut — comme ce fut le cas en 2008 — qu’il s’agisse de la politique fiscale appropriée. Mais je trouve hasardeux de les accumuler sans réelle vision.

Pire, je trouve un tantinet malhonnête de suggérer que les nantis les financeront.

Les économistes nous le disent depuis longtemps : la taxation à outrance entraîne des conséquences lourdes pour une économie (évitement fiscal, diminution des investissements étrangers, baisse de la productivité). Je comprends qu’une pluie de nouveaux programmes puisse intéresser les électeurs. Assurons-nous non seulement de leur pertinence, mais aussi d’en avoir les moyens.

* Michael M. Fortier est banquier et est un ancien ministre conservateur dans le gouvernement fédéral.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion