En réponse au texte de Claude Castonguay, « La Loi canadienne sur la santé n’a plus sa raison d’être », publié le 23 septembre

L’ancien ministre de la Santé Claude Castonguay plaide pour que le Québec se « libère » de la « tutelle » de la Loi canadienne sur la santé. Or, ce que monsieur Castonguay appelle la « rigidité » de cette loi est ni plus ni moins la gratuité pour les patients des soins médicalement nécessaires.

Concrètement, la Loi canadienne sur la santé couvre principalement les hôpitaux et les médecins. Contrairement à ce que monsieur Castonguay affirme dans son article, cette loi d’une vingtaine d’articles est l’une des plus souples qui soit. Ses principes, obtenus de haute lutte, se résument à cinq : la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. À la suite d’importantes facturations aux patients au tournant des années 70-80, on a précisé que l’accessibilité impliquait la gratuité des soins. C’est à cette « rigidité » que M. Castonguay s’attaque, et ce, depuis longtemps. En effet, son discours n’était pas différent dans le rapport qu’il a signé en 2008. Ce rapport s’alignait de près avec le rapport Chicoine, qui appelait de ses vœux un « assouplissement » de la même Loi canadienne sur la santé, dans le but d’accroître le financement des cliniques privées et de leurs propriétaires.

Or, les Québécois et Québécoises savent ce qui arrive lorsque les médecins et les cliniques privées facturent des soins aux patients : les frais accessoires illégaux que nous avons subis jusqu’en 2017 en sont l’illustration parfaite.

Et avec de tels frais vient une hiérarchisation des lieux de soins. En effet, de plus en plus, les cliniques étaient réservées pour les patients pouvant payer. Seuls les hôpitaux demeuraient gratuits, lorsque le service n’était pas tout simplement abandonné faute de ressources, pour les vaillants malades pouvant encaisser les attentes interminables à l’urgence ou à la maison.

Rappelons que Claude Castonguay est à l’origine du très inéquitable régime d’assurance médicaments qui coûte une fortune en cotisations aux employés et aux employeurs et en renflouement par tous les contribuables pour la portion publique du régime. Ce régime est un gouffre pour les finances publiques et une manne pour les assurances privées.

C’est sans doute ce même genre de système qui nous guette pour les soins médicaux, avec ses multiples frais aux patients, si on succombe à son chant de sirène.

Contrairement à ce que revendique monsieur Castonguay, la solution réside dans une extension et non un rétrécissement de la gratuité. Médecins québécois pour le régime public a publié un rapport en 2012 qui concluait que notre système mixte en matière de radiologie (échographies, scans, IRM) aboutit à l’allongement des listes d’attente publiques. Ainsi, tout en ayant plus de radiologistes, de technologues et d’appareils, nous avions les listes d’attente publiques les plus longues du pays. Cet apparent paradoxe s’explique par la sous-utilisation des appareils privés et par le fait que les hôpitaux et les cliniques sont des vases communicants : lorsque la docteure est dans sa clinique, elle n’est pas à l’hôpital. Pour répondre à ce problème, la Colombie-Britannique a récemment augmenté les budgets pour les IRM et racheté plusieurs appareils du secteur privé, et les résultats sont si probants en termes de réduction des listes d’attente que la province entrevoit acheter plusieurs cliniques privées de chirurgie.

Par conséquent, si on veut « moderniser » la Loi canadienne sur la santé, qu’on l’élargisse enfin aux médicaments, aux soins dentaires et aux autres professionnels de la santé dont l’intervention n’est pas moins importante que celle des médecins. Le Québec et le Canada ne sont pas si pauvres qu’ils ne peuvent se payer un système de santé intégral, universel, fort et gratuit qui répondra aux besoins de la population.

* Cory Verbauwhede est également doctorant en histoire, chargé de cours à l’École nationale d’administration publique en droit de la santé ; Isabelle Leblanc est aussi professeure adjointe au département de médecine familiale de McGill et médecin de famille au GMF-U St-Mary’s

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