Il y a de fortes chances que le prochain gouvernement soit minoritaire, de surcroît libéral. Si tel est le cas, alors se pose la question de savoir quel parti aura la balance du pouvoir.

Pourquoi le prochain gouvernement sera-t-il minoritaire libéral ? Il y a d’abord la conjoncture politique. Lorsqu’une majorité de provinces est gouvernée par des partis conservateurs, ce qui est aujourd’hui le cas, les électeurs ont tendance à voter pour un autre parti politique à Ottawa.

Autrement dit, ils ne veulent pas, ne serait-ce que par instinct, mettre tous leurs œufs dans le même panier.

Il y a la gestion des enjeux. Pour les électeurs indécis, les libéraux sont perçus comme étant les mieux à même de gérer les enjeux qui les préoccupent le plus, à savoir la lutte contre les changements climatiques, la santé et, ce qui est surprenant, la transparence et l’intégrité.

Malgré la controverse SNC-Lavalin et le rapport du commissaire à l’éthique, qui met en cause Justin Trudeau, les libéraux demeurent aux yeux de beaucoup d’électeurs les plus crédibles en matière de gestion des enjeux.

Il y a la popularité des chefs. Même si Andrew Scheer est perçu positivement, il n’est pas vu comme étant aussi charismatique et sympathique que Justin Trudeau. Les autres chefs souffrent d’un manque chronique de notoriété et de popularité. Cela pourrait toutefois changer pendant les élections.

Enfin, et c’est sans doute la raison la plus importante, il n’y a pas chez les électeurs canadiens de volonté claire de changer de gouvernement.

Un échiquier politique fragmenté

Un gouvernement minoritaire implique également un Parlement fragmenté.

Si les verts font une percée en Colombie-Britannique, surtout dans les sept circonscriptions de l’île de Vancouver appartenant aux néo-démocrates, ils pourraient s’imposer comme une nouvelle force politique. Il n’est pas exclu qu’ils fassent des gains ailleurs au pays.

Les néo-démocrates sont plus proches de la déconfiture que de la victoire. En plus de la Colombie-Britannique, ils pourraient perdre leur ancrage au Québec.

Les conservateurs feront des gains dans les Maritimes au détriment des libéraux. Il pourrait faire une percée dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Il faudra surveiller les circonscriptions dans les couronnes de Toronto qui, depuis 1990, annoncent quel parti formera le prochain gouvernement.

Il sera cependant difficile pour les conservateurs de convaincre suffisamment de Canadiens de voter pour eux, alors qu’ils dominent déjà l’échiquier politique provincial.

D’autant plus qu’ils ont la fâcheuse habitude de s’empêtrer dans des enjeux controversés, comme le mariage des personnes de même sexe et l’avortement.

Le Bloc aura-t-il la balance du pouvoir ?

Qu’en est-il des libéraux et du Bloc québécois ? Les libéraux devront conserver leurs circonscriptions dans les couronnes de Toronto, mais ils devront aussi faire des gains au Québec. La banlieue de Montréal, où ils ont remporté 13 des 22 circonscriptions lors des dernières élections, sera cruciale pour leur réélection.

Sauf que, et c’est là que les choses se compliquent, la banlieue de Montréal sera tout aussi cruciale pour le Bloc, qui suscite de plus en plus d’intérêt auprès de l’électorat québécois. La moitié des électeurs québécois n’a pas exclu de voter pour le Bloc.

Ajoutons que l’électorat québécois est particulièrement volatil. En moins de 10 ans, il a voté massivement pour le Bloc, les néo-démocrates de Jack Layton et les libéraux de Justin Trudeau.

Pas une seule province n’a changé aussi souvent d’allégeance politique ces dernières années.

Si les électeurs de la banlieue de Montréal répartissent leurs appuis plus ou moins également entre les libéraux et les bloquistes, il n’est pas impossible que nous ayons non seulement un gouvernement minoritaire libéral, mais que ce soit le Bloc qui ait la balance du pouvoir.

Un tel scénario électoral aurait le mérite de rappeler aux partis politiques fédéraux que le Québec est et demeure un maillon incontournable de la politique canadienne.

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