Me suis promené tout l’été, Côte-Nord, Gaspésie, Estrie, Nord-du-Québec. J’ai passé plusieurs jours aussi à quatre pattes à désherber, et d’autres à pêcher. Des fois, ça mord et d’autres fois, non. Ce n’est jamais parfait. C’est comme l’ail qui a échoué, les maïs qui ont été très en retard. Un grand décalage. Partout. Il n’y a jamais rien de parfait.

L’an dernier, pas eu une citrouille. Cette année, plein ; j’en ai gardé six. Faut en éliminer plusieurs et ne garder que celles qui ont le plus de chances de grossir et de se rendre à maturité. Normalement la nature s’en charge et ne garde que les plus belles. C’est un peu comme une société invisible.

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« Parfois, je leur parle, à mes citrouilles », écrit Marc Séguin.

Et là, mi-septembre, alors que tout abonde et que ça mûrit, et que je mange aussi du poisson, on a annoncé des élections fédérales mercredi. Tout allait pourtant si bien.

Comme quoi on n’est jamais loin de la perfection ou du chaos. OK, j’exagère un peu. Ça semble tout de même réjouir plusieurs personnes à leur voir l’allure excitée comme des puces sur un chien. Ça va faire des nouvelles et du contenu.

Un aparté ici, le temps de quelques lignes.

On m’a beaucoup parlé de cette chronique un peu partout où je suis passé ces derniers mois. C’est touchant d’apprendre qu’on fait un peu partie du quotidien et des rituels. Vraiment. Et comme tout le monde ; je n’ai pas le temps de raconter ma vie sur les réseaux sociaux (hé…hé…) parce que je n’y suis pas.

Alors voici, en quelques mots, une brève mise à jour en rafale de toutes mes activités et sentiments de vanités existentielles (je souris ici) des derniers mois ; une récolte record de tomates et de patates. La foudre qui a frappé ma maison la semaine dernière, et pour les gens ésotériques : c’était au moment où je regardais les audiences de la commission sur l’avenir des médias – vous savez ce truc qui est devenu une guerre de factions ? –, et, qu’une députée jasait avec un monsieur drôlement assis dans une chaise. Faut-il y voir un signe ?

Toujours cet été, j’ai relu Cendrillon, le conte de Charles Perrault. C’est une vraie belle histoire. Un peu violente, mais belle. Ça parle beaucoup de cette volonté de reconnaissance par une autorité.

Suis aussi allé voir le Nunavik en août, à Tasiujaq. Entre deux gorgées de Pepsi, je vous assure qu’ils n’en ont rien à foutre des élections fédérales, les citoyens canadiens qui habitent là-bas. Quand on regarde les statistiques, ça vote davantage dans les résidences pour aînés. Ce qui m’a rappelé que l’an dernier, j’avais eu la brillante idée de dire, publiquement, que je n’irais pas voter aux élections provinciales de l’automne 2018… m’étais fait ramasser par les chevaliers et les chevalerices (je trouve ça laid le mot « chevaleresse ») de la moralité civique et citoyenne. J’y reviendrai plus bas.

Les six citrouilles donc. C’est bon, du potage à la citrouille. Dans une autre vie, il y a quelqu’un qui m’en fait tous les automnes (allô, Gina !) – après avoir tenté moi-même d’en faire comme un homme libre et affranchi, force est de constater que je soupçonne le merveilleux de venir de la crème ou de la muscade. Beaucoup de la crème.

Mais cette année, je vais les garder au potager au moins jusqu’aux élections, mes citrouilles.

Parce que j’ai fait un truc très scientifique, ou empathique, ou peut-être simplement magique : leur ai donné des noms. Y a Maxime, Andrew, Justin, Elizabeth…

Parfois, je leur parle, à mes citrouilles. Je leur pose des questions sur l’aide médicale à mourir, l’avenir des médias ; je leur demande s’il y aura une taxe pour les géants numériques ; je pose des questions sur l’avortement, l’environnement, le pétrole et les pipelines…

Elles ne répondent pas souvent. À tort, a-t-on pensé trop longtemps, ce n’est pas uniquement pour l’Halloween qu’elles existent, elles sont aussi responsables d’une très belle expression qu’on a un peu oublié : ne rien avoir dans la citrouille.

Le 21 octobre, il ne restera plus qu’elles à travers quelques carottes et betteraves. C’est toffe, des citrouilles ; ça passe à travers le froid, les pluies et les gelées. La semaine qui suivra les élections, on en fera des sculptures pour le 31 octobre. J’espère beaucoup qu’elles auront un peu répondu à mes questions. Mais suis né naïf.

Le 1er novembre elles iront dans l’enclos dans la forêt. Vous saviez que les cochons en raffolent ?

On revient à l’exercice du vote citoyen. J’ai décidé que, cette année, j’irais aux urnes. Les gardiens de la démocratie seront fiers. Et je ferai ça avec beaucoup de diligence et d’empathie ; pour paraphraser la mère d’un syndicaliste qui sacrait beaucoup, je vais mettre un X à tous les noms sur le bulletin de vote parce qu’ils m’auront convaincu qu’ils veulent tous mon bien et le meilleur pour nous tous. C’est ce qu’ils vont dire pendant la campagne. Ils auront tous mon vote.

Et comme dans le conte, au lendemain des élections, le sort de la fée se sera éteint et les beaux carrosses seront à nouveau des citrouilles.

Bon dimanche.

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