Si vous vous êtes récemment trouvé au cœur d’une conversation sur la crise du climat, Greta Thunberg ou l’épidémie d’écoanxiété chez la génération montante, vous avez probablement entendu, à un moment ou à un autre, le raisonnement suivant : « Ils vont trouver une solution. »

Dans cette phrase, qui pourrait figurer à côté de la définition de l’expression « pensée magique », le sujet est aussi indéterminé que son complément. Qui est ce « ils » susceptible de nous sauver de la catastrophe annoncée, et quelle pourrait bien être cette solution ? Un rapidotron pour nous téléporter sur une nouvelle planète ? Un climatiseur géant ? Un aspirateur capable de transformer le CO2 en Skittles ?

Le fait est qu’ils – les scientifiques – ont trouvé la solution : diminuer rapidement nos émissions de CO2 en changeant de façon draconienne nos comportements. Notamment en réduisant notre consommation de viande et notre dépendance aux hydrocarbures.

La solution existe, donc, mais elle ne nous plaît pas, car elle remet trop profondément en question notre mode de vie. Le bacon, c’est bon, et si la peur de mourir n’a pas empêché les plus anxieux d’entre nous de prendre l’avion pour Punta Cana, ce n’est certainement pas un enjeu aussi abstrait que l’environnement qui nous en enjoindra.

Nous sommes, devant l’urgence climatique, comme les deux prisonniers face à leur fameux dilemme : s’ils collaborent en refusant de se dénoncer mutuellement, ils auront une peine inférieure faute de preuves contre eux. Mais, dans la crainte d’être dénoncé par son vis-à-vis et d’écoper d’une peine plus lourde, chaque prisonnier opte pour la décision la plus pénalisante pour les deux : vendre son rival.

C’est ainsi que nous poursuivons notre train de vie en nous demandant à quoi bon troquer nos pépites de poulet contre du tofu si le voisin continue à manger son gros steak comme s’il n’y avait – littéralement – plus de lendemains. Pourquoi changer alors que des individus, des industries et des pays entiers font pire que nous ?

Dans le contexte actuel, la pensée magique ne sert pas seulement de paravent à notre désir égoïste de ne pas changer. Elle répond aussi à notre sentiment d’impuissance.

Les actions que nous pouvons faire individuellement semblent avoir peu de poids face aux inactions d’acteurs bien plus puissants que nous. Pendant que nous refusons valeureusement la paille qui nous est tendue au McDo, un CHSLD utilise quotidiennement des gobelets de plastique jetables pour la prise de médicaments de ses 203 résidants ; nos politiciens promettent des ponts en dépit du fait que toutes les expertises s’y opposent – ça, c’est lorsqu’ils n’achètent pas carrément un pipeline – ; l’Amazonie, poumon de la Terre, se consume dans l’indifférence totale de ceux censés la protéger. Et McDo continue, bien sûr, d’offrir des pailles en plastique à ses quelque 70 millions de clients, rendant notre action d’une inutilité inégalée.

Mais en continuant de surconsommer parce que les Chinois sont pires que nous ou de prendre l’avion 10 fois par année parce que le voyage de Greta n’est pas si carboneutre que ça finalement, on continue de faire partie, nous, du problème. Bien sûr, pour que nos actions ne soient pas un coup d’épée dans l’eau, ça prend des mesures structurantes, des prises d’action systémiques.

Mais pour que les choses basculent, ça prend du leadership, pas des gens qui disent que ça ne sert à rien de paniquer, parce que de toute façon, « ils vont trouver une solution ». Une solution n’impliquant, idéalement, aucun compromis sur notre confort.

Ça paraît compliqué, mais, hey, Walmart, l’un des plus importants détaillants d’armes à feu aux États-Unis, vient de prendre la décision de retirer de ses tablettes les armes et les munitions les plus souvent impliquées dans les tueries de masse. Tout est possible !

Alors que les élus américains échouent, depuis des décennies, à restreindre la portée du deuxième amendement face au puissant lobby des armes, le leadership dont a fait preuve Walmart cette semaine est une illustration concrète de ce que des acteurs plus importants que nous peuvent faire pour mettre en œuvre les changements structurants dont le monde a besoin. Et cette décision d’affaires est le résultat direct des pressions exercées par la population.

Nous pouvons en faire autant avec la crise du climat, un problème qui nous semble presque aussi insurmontable que l’attachement des Américains à leurs fusils. C’est important, car « ils » ne trouveront pas d’autre solution que celle dont nous faisons déjà partie.

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