Il y a 50 ans jour pour jour, le français devenait une des deux langues officielles du pays.

L’objectif de la première Loi sur les langues officielles adoptée le 7 septembre 1969, et encore plus de la deuxième loi qui lui a succédé en 1988, était de consacrer l’égalité de statut du français et de l’anglais – principalement dans l’appareil fédéral, mais aussi devant les tribunaux et dans la société canadienne.

Un demi-siècle plus tard, le français a-t-il atteint l’égalité avec l’anglais ? Poser la question, c’est y répondre.

Légitimité remise en question

En 2019, la place du français dans l’espace public et commercial est en recul, même au Québec. La légitimité du français comme langue officielle du pays est de nouveau remise en question dans différentes régions du pays. Les arguments sur le coût du bilinguisme font de nouveau surface.

Tout cela arrive sur fond de décennies de plafonnement en matière de respect de la Loi sur les langues officielles. 

Qu’il s’agisse des ratés de la présence du français aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, de l’absence de service dans leur langue à laquelle se heurtent continuellement les francophones lorsqu’ils passent à la sécurité ou aux douanes à l’aéroport, des traductions bancales qu’on trouve toujours sur nombre de sites fédéraux, on a l’impression que le français demeure une langue d’accommodement plutôt qu’une langue officielle.

Cette réalité, les francophones vivant en milieu minoritaire la connaissent bien. Malgré une obligation du gouvernement, bien inscrite dans la Loi, d’appuyer le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de favoriser leur épanouissement, les minorités francophones demeurent trop souvent dans l’angle mort des institutions fédérales. Elles profitent rarement de retombées des transferts de fonds aux provinces et territoires dans des domaines comme les infrastructures ou la formation à l’emploi.

Des impacts bénéfiques

Certes, les deux incarnations de la Loi sur les langues officielles ont généré des impacts bénéfiques pour les communautés francophones et acadiennes. La Loi de 1969 a permis aux associations francophones – dont la Fédération des francophones hors Québec, devenue par la suite la FCFA – de revendiquer et d’obtenir un appui au développement des minorités de langue française. Elle a créé les conditions pour l’inclusion, dans la Charte des droits et libertés, de droits qui ont tout changé pour nos communautés, nommément le droit à l’éducation en français.

Mais l’histoire de ces deux lois, c’est aussi le récit de cinq décennies d’obligations mal respectées ou mal comprises, quand il ne s’agit pas d’un manque de volonté politique de faire respecter l’égalité de nos deux langues officielles.

À cet égard, les rapports des commissaires aux langues officielles qui se sont succédé sont éloquents. De Keith Spicer en 1970 à Raymond Théberge en 2019, les mêmes constats de stagnation, de manque de cohérence et d’inefficacité dans l’application de la Loi reviennent aussi systématiquement que les bernaches au printemps.

Le commissaire Théberge s’inquiétait dans son dernier rapport des coups qu’a encaissés le français dans des décisions politiques récentes dans certaines provinces, sans parler de l’élection au Nouveau-Brunswick de trois députés d’un parti qui souhaite éroder les droits et acquis des Acadiens.

Il y a peut-être un lien à faire entre le manque de sérieux avec lequel l’appareil fédéral tend à mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles et le manque de sérieux avec lequel certains gouvernements perçoivent le statut du français comme langue officielle du pays.

Le problème est dans la Loi

Une chose est certaine : après un demi-siècle à répéter d’année en année les mêmes constats sur le respect de la Loi sur les langues officielles, il faut conclure que le problème est dans la Loi elle-même. Le seul moyen d’assurer le plein respect de la Loi, c’est de la moderniser de fond en comble. C’est de désigner une institution qui ait le pouvoir d’exiger des résultats de l’ensemble de l’appareil fédéral en matière d’application de la Loi. C’est de créer un tribunal administratif chargé d’entendre les doléances sur les infractions à la Loi et capable d’imposer des sanctions. C’est d’exiger le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada et de faire en sorte que les transferts de fonds aux provinces et aux territoires aient, systématiquement, des clauses linguistiques avec des dents.

Moderniser la Loi sur les langues officielles, ce n’est pas simplement mettre à jour une loi qui n’a pas été revue de fond en comble depuis 30 ans. C’est aussi lancer un message fort, un message cruellement nécessaire, sur le statut et la légitimité du français comme langue officielle du Canada et sa place dans l’avenir du pays.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion