Le 24 juillet dernier, Mathieu Bock-Côté a écrit une chronique intitulée « Abolir ECR : c’est votre responsabilité, M. Roberge ».

Comme éducateur intéressé depuis longtemps par ce sujet et ayant publié en 2005 Le scandale de l’école confessionnelle – Le cas du Québec, je suis en désaccord avec cette position. Elle ne permet pas à la laïcité de progresser, car elle se contente d’écarter un contenu sans le remplacer par un autre plus universel et rassembleur. On ne laïcise pas une société pour nourrir la fibre nationaliste de certains de ses membres ni pour lutter contre le multiculturalisme, comme l’avance M. Bock-Côté.

Un gouvernement qui a fait de l’éducation sa priorité ne doit pas abolir le cours Éthique et culture religieuse (ECR), mais le transformer de fond en comble en séparant ses deux contenus actuels : l’éthique et la culture religieuse. Voici les raisons qui justifient ma position.

L’éthique

Tous les humains héritent dans leur patrimoine génétique de deux caractéristiques essentielles qui sont opposées, voire antagonistes. Membres d’une espèce grégaire, ils naissent naturellement égoïstes, puisqu’ils sont biologiquement leur propre fin.

Pour éviter de s’exterminer individuellement et collectivement dans la lutte pour la satisfaction de leurs besoins vitaux et pour vivre ensemble dans la paix, la sécurité et la recherche du mieux-être, les humains ont systématiquement établi des normes (valeurs, droits, devoirs, règles, etc.). 

De tous les codes normatifs et les codes juridiques qui en découlent, les codes éthiques sont les plus fondamentaux, puisqu’ils déterminent la conduite des humains dans leurs rapports avec le réel, l’environnement, la vie, eux-mêmes, autrui, la société et l’humanité.

La fonction sociale de l’éthique est donc de faire connaître et faire respecter les valeurs, les principes et les règles qui permettront aux membres de chaque nouvelle génération d’avoir des comportements qu’on souhaite plus respectueux de leur dignité et de celle d’autrui. 

L’éthique, science et art transdisciplinaires du développement moral des humains, vise à les rendre de plus en plus raisonnables, solidaires, volontaires, libres, autonomes, courageux, créatifs et responsables (moraux) dans la conduite de leur vie personnelle, sociale et écologique.

La voie de la laïcité permet de concevoir un nouveau programme d’éthique non plus fondé sur les préceptes religieux, mais sur une conception naturelle, rationnelle et scientifique, donc universelle, de la nature humaine. Or, il n’existe pas, présentement, un tel programme d’éthique.

Voilà pourquoi nous exhortons M. Roberge à ne pas abolir les heures consacrées au cours ECR, mais le transformer de façon radicale pour respecter le droit inaliénable de tous les enfants et les adolescents à une éthique humanisante fondée sur l’humain, par l’humain et pour l’humain.

La laïcité peut devenir le moyen par excellence pour faire connaître et respecter la dignité inhérente à tous les êtres humains qui transcende les différents aspects de leurs identités particulières (sexe, âge, couleur, langue, religion, orientation sexuelle, etc.) qui n’ont jamais cessé de les diviser et de les soulever les uns contre les autres.

La culture religieuse

Les sciences humaines reconnaissent l’importance que les religions ont eue dans le façonnement des sociétés. Je suggère au ministre de l’Éducation de remanier le contenu de cette thématique pour l’intégrer aux cours d’histoire existants. Cette nouvelle approche contribuerait à une meilleure compréhension des religions dans leur espace sociohistorique respectif ainsi que des sociétés qui les ont intégrées.

Le Québec a investi beaucoup de temps, d’énergie et d’argent à défendre la laïcité qui est une caractéristique essentielle de toute démocratie respectueuse de la dignité humaine. Il se doit maintenant d’investir dans la mise en place d’une éducation obligatoire qui repose de façon explicite sur le concept fondamental de la dignité humaine. Nos deux propositions contribuent à cet avancée indispensable dans l’avenir du Québec et de l’humanité.

* L’auteur est également président-fondateur du Mouvement Humanisation.

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