« Celui qui connaît son ennemi et se connaît lui-même remportera cent batailles. »

Si l’on s’en tient à ce proverbe chinois tiré de L’art de la guerre de Sun Tzu, la Chine semble avoir une longueur d’avance sur le Canada et les autres démocraties occidentales.

La Chine se connaît bien. La mainmise de son régime totalitaire sur la société chinoise est presque absolue. Le Parti a infiltré chaque recoin de l’État et de la société. Alors que plusieurs prédisaient la fin du régime avec la croissance de la classe moyenne, les avancées des télécommunications et l’avènement des réseaux sociaux, le régime a su s’adapter en créant un État de surveillance orwellien.

C’est en effet cette capacité d’adaptation impressionnante qui a permis au régime, d’ailleurs « communiste » de nom seulement, de survivre et de consolider son emprise même après avoir créé les bases d’un capitalisme d’État.

La Chine se connaît donc bien, mais elle nous connaît aussi très bien. La Chine ne partage ni nos institutions démocratiques ni notre État de droit. Mais elle les comprend bien. Et elle sait les utiliser à son propre avantage.

C’est ce qu’on a pu constater dans le contexte de la crise Huawei. La Chine s’est servie de la détention de Meng Wanzhou pour s’attaquer au gouvernement canadien, l’accusant de brimer les droits fondamentaux de la citoyenne chinoise – assignée à sa résidence de luxe à Vancouver –, allant jusqu’à taxer le Canada de « suprémacisme blanc ».

Des accusations qui sont bien sûr sans fondement, mais tout de même dérangeantes dans le contexte canadien. Maintenant, c’est aux intérêts économiques du Canada qu’elle s’en prend. Visiblement, la Chine sait frapper là où ça fait mal.

« Celui qui se connaît lui-même, mais ne connaît pas son ennemi, remportera une victoire pour chaque défaite. »

L’autre chose que l’on peut constater, c’est que le Canada ne connaît pas la Chine. Avant son élection, Justin Trudeau disait admirer la dictature chinoise, qui selon lui permettait au régime de mettre en œuvre ses politiques de façon rapide et efficace. Quelle ironie de voir M. Trudeau goûter à l’efficacité du régime chinois dans toute sa force !

Comment converser avec un régime totalitaire et hostile qui ne veut rien entendre et qui accuse son adversaire de ses propres péchés ?

L’administration a visiblement été prise au dépourvu. La réponse, ou plutôt l’absence de réponse sensée de la part du gouvernement Trudeau, témoigne de sa naïveté et de son désarroi envers la Chine.

« Celui qui ne connaît pas son ennemi et ne se connaît pas lui-même ne rencontrera que des défaites. »

Le plus inquiétant dans le conflit actuel, c’est que les dirigeants canadiens ne semblent pas connaître leur propre pays. Quels sont les intérêts du Canada et de ses citoyens dans le contexte de l’ascension de la Chine ? Quelles sont nos valeurs fondamentales et comment doivent-elles être déployées et défendues dans nos relations étrangères ? À quoi s’attendent nos citoyens ? Et que dire de nos citoyens qui font avancer les intérêts chinois sur le sol canadien ?

Les démocraties libérales espéraient que les échanges commerciaux avec la Chine socialisent cette dernière dans nos normes démocratiques. C’était un pari peu plausible, mais qui permettait à nos gouvernements et à nos investisseurs de se donner bonne conscience. La Chine a certes beaucoup appris dans ce processus. Elle a notamment appris à utiliser le vocabulaire que l’Occident voulait entendre.

Pendant ce temps, notre gouvernement et nos élites économiques nous ont mis dans une situation de dépendance économique envers la Chine, si bien que nous nous retrouvons maintenant tous otages de Pékin et de ses représailles économiques.

À l’aube des élections fédérales, nous devons nous attendre à ce que Pékin s’ingère dans le processus électoral comme jamais auparavant. Ce dont la Russie a été accusée en lien avec les élections américaines de 2016, la Chine en est devenue experte, notamment en s’ingérant dans les élections hongkongaises et taïwanaises. Notre gouvernement et nos partis politiques devront tout faire pour contrer cette ingérence.

La campagne électorale sera d’ailleurs l’occasion pour nos partis politiques de se redéfinir et de se repositionner vis-à-vis de la Chine.

Il est grand temps que nos dirigeants développent une politique chinoise claire, ferme et réfléchie, qu’ils réarticulent les valeurs fondamentales qui nous définissent et qu’ils les mettent au premier plan dans nos relations avec la Chine.

* L’auteur est résident permanent de Hong Kong.

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