Juillet : le mois des vacances… et des récriminations, au demeurant très justifiées, contre le tourisme de masse.

J’ai eu la chance de découvrir plusieurs des grandes villes d’art européennes quand j’étais très jeune, bien avant que le flot des voyageurs prenne des proportions démentielles. En ce temps-là, on pouvait encore visiter Florence ou Bruges en juillet sans se cogner à des convois d’autocars nolisés.

Au XXIe siècle, les choses ont empiré avec l’augmentation des vols low cost, la formule Airbnb et les paquebots de croisière géants – autant de phénomènes qui détruisent les écosystèmes, pourrissent la vie des habitants et sabotent l’hôtellerie et le commerce locaux.

Des capitales comme Londres, Shanghai ou Mexico sont assez vastes et solides pour supporter l’envahissement saisonnier, mais les lieux particulièrement fragiles comme Venise ou Angkor risquent la destruction pure et simple.

PHOTO MIGUEL MEDINA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

« Les lieux particulièrement fragiles comme Venise ou Angkor risquent la destruction pure et simple », constate Lysiane Gagnon. Ici, Venise envahie par les paquebots en juin dernier.

Barcelone, envahie depuis des années par des masses de voyous britanniques en quête de soleil et de vin bon marché (Ryanair les y amène pour trois fois rien), compte se barricader derrière des péages, et Amsterdam multiplie les mesures restrictives pour protéger ses précieux canaux.

Il y a quand même un moyen d’échapper à tout cela et d’être un touriste heureux.

Il suffit de voyager durant la « basse saison », entre octobre et avril, en excluant les vacances de Noël et de Pâques.

C’est une solution accessible à tous sauf à ceux qui voyagent avec des enfants d’âge scolaire ou qui travaillent eux-mêmes dans l’enseignement.

Si l’on a moins de choix pour les vols, la basse saison vous permet en revanche de bénéficier de meilleurs tarifs pour les hôtels et d’être accueillis partout par des commerçants reposés et heureux de vous voir.

Autre avantage, dans les grandes villes, la vie culturelle est encore plus riche, puisque c’est en dehors de l’été que la saison théâtrale et musicale bat son plein. Et l’on ne risque pas de tomber sur une période de canicule ! Il faisait 43 °C l’autre jour en Provence : pas idéal pour la vie errante d’un touriste…

C’est en février, il y a quelques années, que j’ai découvert le Parthénon. De temps à autre, il y avait une légère averse. Mais le ciel était bleu, nous ne croisions personne dans le chemin qui gravissait l’Acropole. Au dernier escalier, le temple est apparu dans sa beauté pure, sans personne autour. Sur le site, il y avait tout au plus une vingtaine de personnes. C’était sublime. On pouvait se laisser tranquillement submerger par l’émotion.

Une autre fois, je suis allée en mars à Pompéi. Je n’avais gardé qu’un vague souvenir d’une première visite estivale, car j’étais alors perdue dans une cohue sans nom. La deuxième fois, il faisait froid comme il peut faire froid l’hiver autour de la Méditerranée, seuls les hôtels étaient chauffés, on était tellement glacés dans les restaurants qu’on gardait ses gants jusqu’au moment de prendre sa fourchette… mais j’ai un souvenir éblouissant de ce voyage. L’immense champ de ruines figées pour l’éternité était presque vide. Plus au sud, il y avait de la neige accrochée aux Apennins, mais les temples grecs de Paestum et les grottes blanches de Matera nous appartenaient.

Une autre année, également par temps frais, il y eut cette montée vers le petit temple de Ségeste, en Sicile. Nous avions pour nous seuls la vision inouïe de ce joyau parfaitement conservé.

À l’inverse, le premier choc, devant l’orgueilleuse beauté d’Angkor Wat, a été gâché par des dizaines d’autocars de tourisme qui y déversaient simultanément leurs bruyantes cargaisons. Les jours suivants, nous sommes retournés dans le parc archéologique durant l’après-midi pour revoir Angkor Wat et visiter d’autres temples, car les autocars de tourisme n’y vont que le matin. Certes, il faisait plus chaud l’après-midi, et peut-être les rayons du soleil étaient-ils moins caressants sur les pierres de grès, mais nous étions en paix ! Il avait suffi de louer un taxi pour quelques heures (un autre avantage de voyager indépendamment des agences).

PHOTO SAKCHAI LALIT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Juillet est le mois des vacances et des récriminations, au demeurant très justifiées, contre le tourisme de masse, explique Lysiane Gagnon.

Il est vrai qu’à Berlin, en hiver, on a vite les pieds gelés et qu’on regrette de ne pouvoir profiter des nombreuses terrasses… Mais c’est un juste prix à payer pour avoir le privilège de parcourir en paix le fabuleux musée de Pergame et de se trouver seul au Musée des antiquités égyptiennes, en tête-à-tête avec le buste de Néfertiti.

Il est vrai qu’en Crête, au mois de mars, on se meurt de ne pouvoir plonger dans la mer turquoise… mais il n’y a pas de caravanes de camping-cars sur les routes de montagnes, et pas de forêts de selfies pour vous empêcher de contempler les extraordinaires vestiges de la civilisation minoenne au musée d’Héraklion.

Même en haute saison, on peut partout contourner le flot des touristes en évitant les sites les plus fameux, car les voyages nolisés suivent tous le même itinéraire et les touristes s’agglutinent presque tous dans les mêmes endroits.

Si l’on n’en est pas à son premier voyage à Venise, on évite la place Saint-Marc pour découvrir des rives moins connues. Si l’on est déjà allé à Paris, est-il vraiment nécessaire de remonter dans la tour Eiffel ?

Au Louvre, oubliez La Joconde et la Vénus de Milo, vous regarderez les photos sur l’internet. Il y a des ailes entières (et merveilleuses) où il n’y a jamais personne, comme celle de la collection mésopotamienne.

Un conseil en passant, et celui-là vaut pour toutes les saisons : pour voir une exposition très courue à Paris sans devoir attendre trop longtemps, y aller à l’heure du lunch. Pourquoi ? Parce qu’entre midi et 14h, la moitié des Français (cela inclut certainement la majorité des amateurs d’art) sont à table, chez eux ou au restaurant. Il y aura forcément moins de gens dans la file. Et aussi : acheter son billet à l’avance sur l’internet – un must, comme diraient les Français.

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