En réponse au texte de Jean Chartier, « Rue Pontiac », publié le 10 juillet

Dans son texte « Rue Pontiac », le journaliste et écrivain Jean Chartier affirme que l’administration Plante a raté une belle occasion de marquer l’alliance historique entre les Français et les peuples algonquien et huron en choisissant le terme mohawk atateken (qui signifie « fraternité et sororité ») pour renommer l’ancienne rue Amherst. Selon lui, il eût été préférable de lui donner le nom de Pontiac, ce fameux chef outaouais allié des Français.

Rappelons tout d’abord à M. Chartier que l’administration Plante a retenu la recommandation d’un comité de toponymie autochtone composé de personnes issues des Premières Nations pour faire ce choix.

Peut-être aurait-il été plus juste de s’adresser directement à ces personnes ?

La suite de son texte contient également certains malentendus tout à fait étonnants de la part de quelqu’un qui critique la mairesse Plante parce qu’elle « confond les nations amérindiennes ».

Car M. Chartier paraît lui-même amalgamer Mohawks et Iroquois lorsqu’il prolonge le territoire des premiers jusqu’au sud du lac Ontario. En réalité, le territoire mohawk se limitait à l’extrémité est de l’étendue qu’il mentionne, qui correspond plutôt à celui de l’ensemble des Cinq Nations (les Iroquois, dont font partie les Mohawks), réparties entre l’actuel Schenectady et la région des Finger Lakes au sud du lac Ontario. On lui pardonnerait pourtant cette faute s’il s’agissait d’un simple cas isolé.

Or, M. Chartier poursuit sa charge, soutenant que l’ancien maire Coderre « aurait dû rendre hommage aux ancêtres des Algonquins qui avaient leurs tentes sur le flanc du mont Royal, quand Jacques Cartier y est venu en 1535 ». Il y a pourtant belle lurette qu’historiens et linguistes s’entendent sur le fait qu’il s’agit bel et bien d’une communauté iroquoienne qui peuplait toute la vallée du Saint-Laurent au temps de Cartier, y compris les villages d’Hochelaga (Montréal) et de Stadaconé (Québec), ce que viennent corroborer les fouilles archéologiques les plus récentes, notamment celles de différents sites dans la région de Saint-Anicet.

Ces peuplades, distinctes des Hurons et des Iroquois bien qu’issues de la même famille linguistique, ont vraisemblablement disparu de la vallée du Saint-Laurent entre 1535 et 1580 et ce qu’elles sont devenues demeure un mystère à ce jour. Les sources de M. Chartier pour faire de ces dernières les « ancêtres des Algonquins » sont donc elles aussi bien mystérieuses.

Ajoutons qu’après la disparition de ces Iroquoiens et jusqu’à l’arrivée de Champlain, un grand nombre de communautés circulaient sur le Saint-Laurent et sur ses affluents sans pour autant y ériger d’établissements permanents et que les Cinq Nations iroquoises utilisaient cette vaste étendue comme territoire de chasse.

Il est donc pour le moins présomptueux de la part de M. Chartier d’affirmer que les « Iroquois n’ont pas à recevoir d’hommage des Montréalais » ou que les « Mohawks n’ont rien à voir là-dedans », ces derniers qui, au demeurant, côtoient dans une paix relative les Montréalais depuis près de 300 ans !

Bien sûr, les Iroquois de l’époque, « ennemis jurés » dans la langue des Relations des Jésuites, des Hurons, des Algonquins et donc des Français, s’adonnaient à la « petite guerre » et terrorisaient nos ancêtres avec leurs raids et leurs embuscades redoutables – ancêtres dont il faut incontestablement célébrer le courage ! 

Vieille lecture manichéenne

Mais à force d’insister sur ces seuls chapitres de notre histoire et à force de réduire les Iroquois à une poignée de rites guerriers sanguinaires (qui par ailleurs sont loin d’être l’apanage de ces seules nations), M. Chartier, au lieu d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice des relations entre autochtones et allochtones, semble plutôt vouloir nous reconduire à cette bonne vieille lecture manichéenne des événements, avec d’un côté les méchants Iroquois et leurs alliés anglais et de l’autre, la vertueuse alliance laurentienne menée par les bons Français. Le beau récit « limpide » que voilà !

Si M. Chartier a bien raison de se désoler de la place souvent ridicule faite aux plus illustres de nos prédécesseurs dans la toponymie de nos grandes villes et ailleurs, et de montrer du doigt l’ignorance et la désinformation quand ce n’est pas la falsification pure et simple de notre histoire, encore faudrait-il ne pas retomber dans ces mêmes travers dans nos futurs efforts de réappropriation.

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