Il est beaucoup question du parc Jean-Drapeau depuis quelques semaines.

En raison, bien sûr, de l’inauguration de grands projets, comme les nouveaux paddocks ou l’Espace 67, et aussi d’événements à haute visibilité, comme le Grand Prix, la fête nationale du Québec et le concert spécial de l’Orchestre Métropolitain.

Malgré la dimension spectaculaire de ces projets et événements, il ne faut pas perdre de vue que la Société du parc Jean-Drapeau –  et par extension la Ville de Montréal – présentera, au cours des premiers mois de 2020, un nouveau plan directeur d’aménagement et de développement, qui tiendra compte du rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).

Ce futur plan directeur, officiellement d’une durée de 10 ans, mettra de l’avant de grandes orientations qui mèneront le parc bien au-delà du 400e anniversaire de Montréal.

Est-ce à dire qu’il faudra attendre une autre année avant d’amorcer la mise en valeur du parc Jean-Drapeau dans l’esprit du rapport de consultation de l’OCPM ? Nous ne le croyons pas. En effet, en plus de la Biosphère, il y a un dossier qui fait l’objet d’un consensus très large et qui pourrait démarrer rapidement, au grand bonheur de tous : la réhabilitation de la Place des Nations.

La Place des Nations pourrait redevenir un lieu culturel et commémoratif ; un lieu polyvalent et animé tout au long de l’année ; un lieu qui permet aux citoyennes et citoyens de se rencontrer, de célébrer et d’affirmer leur ouverture sur le monde.

Héritage Montréal a d’ailleurs recommandé au gouvernement du Canada que la Place des Nations soit reconnue comme un lieu historique national.

Voici ce qu’en dit le rapport de l’OCPM, à la page 124 :

« C’est dans cet esprit qu’il faut que le plan directeur s’attaque en priorité à la restauration de la Place des Nations, du Pavillon de la Corée et de l’ancien restaurant Hélène-de-Champlain. La Place des Nations, quoique protégée par le statut de protection patrimoniale, est laissée à l’abandon depuis de nombreuses années. La commission partage la vision exprimée par plusieurs intervenants à l’effet qu’“il n’est pas nécessaire de la restaurer telle qu’elle était en 1967, mais de lui redonner son usage principal : celui d’un lieu de rencontre, d’une agora qui a permis, au moment d’Expo 67, de recevoir le monde.” »

La divulgation fortuite, il y a quelques jours, de la vision de réaménagement élaborée par la Société du parc Jean-Drapeau nous indique que le projet est maintenant sur les rails. Cette vision devra maintenant faire l’objet d’une concertation avec les personnes et organismes intéressés et d’un examen par les instances prévues à cette fin, y compris bien sûr le Conseil du patrimoine de Montréal.

Deux symboles d’Expo 67

Au-delà de la conformité aux orientations du rapport de l’OCPM, ainsi que des qualités intrinsèques du projet, il y a au moins deux autres raisons qui justifient son démarrage rapide :

1. La population pourra à nouveau profiter de ce lieu emblématique, dont la situation géographique exceptionnelle rappelle à la fois le caractère insulaire du parc et la présence majestueuse du fleuve Saint-Laurent. S’il faut attendre l’adoption du futur plan directeur, cela signifie qu’on retarde d’au moins une année, sinon deux, la séquence des gestes à faire.

2. Annoncée dès 1993, la future promenade riveraine sera, sans le moindre doute, un projet phare du futur plan directeur. Il est plus que temps que la population puisse disposer de cet accès unique au fleuve, notamment à la pointe de l’île, juste à côté de la Place des Nations, où l’on prend pleinement conscience de la vigueur et de la beauté du paysage qui jumellent le bleu et le vert, avec l’effervescence urbaine en fond de scène. Accélérer le démarrage de la réhabilitation de la Place des Nations implique nécessairement d’amorcer rapidement l’aménagement de ce point de vue exceptionnel et de la section de la promenade riveraine qui permet de s’y rendre.

Maintenant que la Ville dispose d’orientations claires qui lui permettront de mettre au point en 2020 une feuille de route cohérente pour la prochaine décennie, il est urgent de passer à l’action et la priorité à court terme est de mettre en valeur deux témoins majeurs du patrimoine moderne issu d’Expo 67 : la Place des Nations et la Biosphère.

Autant il faut se féliciter – tout en demeurant vigilant – que les démarches des derniers mois semblent vouloir donner des résultats pour ce qui est de la Biosphère créée par Richard Buckminster Fuller, autant il est essentiel de redonner vie à la Place des Nations, véritable symbole du mouvement de fraternité qui a porté l’Expo 67.

S’engager dans la revitalisation de la Place des Nations et garantir la pérennisation de la Biosphère enverraient un message clair voulant que les autorités publiques soient disposées à faire des gestes rapidement en vue de reconnaître au parc Jean-Drapeau son identité propre dans le réseau des grands parcs de la région métropolitaine.

* Coralie Deny, Conseil régional de l’environnement de Montréal ; Valérie Beaulieu, Culture Montréal ; France Vanlaethem, DOCOMOMO Québec ; Robert Turgeon, Héritage Montréal

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion