Une goutte de sang à la pointe des doigts de ma fille de 4 ans est une donnée vitale à sa survie. Son corps est fort et ses mouvements sont gracieux, elle cache si bien son handicap invisible, le diabète de type 1. Autrefois appelé diabète juvénile, il n’y a rien d’infantile lorsque même avec l’âge, on ne surmontera jamais une maladie chronique auto-immune qui ne permet aucun jour de congé des traitements.

Depuis deux ans, le diabète de type 1 se gère et je blesse mon enfant insulinodépendante chaque fois que je la pique. Naïveté d’une débutante, je croyais qu’une fois mes larmes du diagnostic séchées, avec un peu de discipline, je trouverais l’antidote du contrôle. Simple épreuve pour une mère qui porte le jonc d’ingénieure.

Ayant piloté des projets de veille et de transfert de technologies, j’ai lancé ma recherche dans le monde empirique chez les internautes. Dans le monde, des mères, des pères, tous comme moi, cherchaient de l’aide pour contrôler la glycémie de leurs poupons. Première découverte, il n’existe pas un bon diabète de type 1. Deuxième découverte, il fallait augmenter les tests capillaires et viser que la glycémie soit à l’intérieur d’une valeur cible.

Enfin, je découvre l’outil qui me permet d’atteindre ce défi impossible, le système de surveillance en continu du glucose.

J’appelle la compagnie Dexcom. Le coût annuel est de 5200 $, mais paraît-il qu’il sera couvert par les assurances privées.

Munie d’une lampe de poche, je grimpais dans son berceau pour lui faire des tests de glycémie la nuit à intervalles réguliers. On nous a prévenus qu’il ne fallait pas avoir plus de trois épisodes d’hypoglycémie par semaine, car le cerveau des enfants est en plein développement et cela peut avoir des conséquences neuro-cognitives.

Or, l’hypoglycémie peut survenir jusqu’à 24 heures après un effort physique intense. Celle qui est sévère peut causer des convulsions, la perte de connaissance, le coma, la mort. L’hyperglycémie peut causer des complications à long terme, telles que des dommages nerveux, au cœur, aux reins et aux yeux et des fractures osseuses.

Les directives de l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes suggèrent 6 à 10 tests capillaires par jour et plus lors de périodes d’exercices ou de maladie. En l’absence d’un contrôle rigoureux des niveaux glycémiques et d’hémoglobine glyquée, toutes les études ont confirmé la manifestation des complications, le vrai fardeau de la maladie.

En otages

Il n’est que midi et nous en sommes déjà au dixième test capillaire de la journée qui interrompt sa danse. Le résultat est de 2,3 mmol/L, ce qui indique une hypoglycémie et un besoin d’agir à l’instant en lui donnant du sucre. Ma fille appartient à la cohorte des asymptomatiques. Nous sommes en otages.

Dans notre cas, notre assureur ne remboursera pas les frais du système de surveillance du glucose en continu approuvé par Santé Canada, car il n’est pas inscrit sur la liste de la RAMQ au titre d’accessoire médical remboursé. Impossible d’être accepté par une autre compagnie à cause de la clause de condition préexistante.

Nous avons beau posséder des détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone, des sièges d’auto d’appoint pour enfants, des ceintures de sécurité et un programme de vaccins à jour, sa glycémie labile guette sans cesse notre maisonnée.

On insère le capteur sous-cutané. Le diabète de type 1 montre son vrai visage, je ne lui fais plus confiance. Il y a quelques jours, elle a reçu une surdose d’insuline au CPE. Fidèle comme un chien de garde, Dexcom nous avise avec ses alarmes lorsque la valeur est trop haute ou trop basse et il nous indique la valeur de sa glycémie toutes les 5 minutes.

Cet accessoire médical qui sauve la vie de ma fille, certaines familles font appel au financement communautaire pour l’acquérir, et compromettent le droit acquis à la protection des renseignements privés de leurs enfants. D’autres piratent les composantes pour prolonger son utilisation ou l’achètent usagé lorsqu’il est expiré pour réaliser des économies.

D’autres familles à faible revenu, faute d’accès aux meilleurs soins, subiront les séquelles des complications à court et à long terme.

En fait, ma fille appartient à une communauté où nul ne peut avancer seul. Là où il y a une demande, les grandes pharmaceutiques lancent leurs produits. Les centres de recherche, les chaires d’étude, les start-ups et les incubateurs s’alimentent de données et de financement. L’innovation est dans l’air du temps, l’économie en jouit et les contribuables cotisent moins.

En absence de couverture de cette technologie, les frais d’hospitalisation, les temps d’attente plus longs, les frais de traitements liés aux complications aiguës et chroniques, le coût de la baisse de productivité sont des fardeaux imposés inutilement à tous.

Que cette missive pique chez nos élus le devoir d’agir immédiatement dans ce dossier. 

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