Ce printemps, la fièvre des Raptors a-t-elle gagné votre maison ? Ça fait vibrer, hein, la fierté « We the North » ?

Je souhaite même, comme beaucoup d’entre vous, que nous ayons une équipe de la National Basketball Association (NBA) au Québec. Mais détrompez-vous. Ce n’est pas tant le sport lui-même qui me motive, même si le basketball est mon sport préféré. Mes motivations sont d’abord culturelles et sociales.

J’ai la croyance que la NBA peut contribuer à un Québec plus inclusif et ouvert sur le monde.

Je ne ferai pas un énième discours sur les défis du Québec en termes de diversité ethnoculturelle à l’écran. Je soulignerais cependant qu’en allumant sa télé, en écoutant la radio, en lisant les journaux, toute personne devrait pouvoir se sentir fière d’appartenir à notre société. C’est particulièrement vrai pour tous nos enfants. Et c’est là que la NBA au Québec pourrait constituer une avancée majeure.

Il peut être difficile pour des enfants de reconnaître leur propre potentiel dans un domaine donné lorsqu’ils ne voient même pas leurs semblables exister dans ce domaine.

Voilà l’importance de la représentation. Le succès des Raptors, c’est le succès d’une équipe sportive. C’est le succès de tout le Canada. C’est aussi le succès de Canadiens et Canadiennes qui, à travers les performances des Camerounais Pascal Siakam et Congolo-Espagnol Serge Ibaka, se réjouissent que les personnes racisées ou issues de l’immigration puissent atteindre les plus hauts sommets.

Soixante-treize pour cent des joueurs de la NBA sont noirs. On peut donc imaginer qu’une équipe québécoise de la NBA présenterait dans notre Belle Province des modèles à des jeunes sous-représentés ou mal représentés. Les Noirs, oui, mais pas uniquement.

Parce que la NBA porte aussi le flambeau pour des gens de toutes origines qui vivent l’exclusion de par leur milieu socioéconomique.

Le succès des Raptors, c’est aussi le succès du hood. Bien sûr, Compton, l’un des quartiers les plus pauvres aux États-Unis, a vu grandir le joueur étoile Kawhi Leonard. Mais l’équipe compte aussi Chris Boucher, un Québécois issu de Montréal-Nord, l’un des arrondissements les plus pauvres au Canada. Ajoutez l’enthousiasme de Drake sur les lignes de côtés et voilà un cocktail parfait pour que la saveur des quartiers urbains se voie célébrée à la télé nationale.

Les Raptors représentent un Canada jeune, cool et coloré. Et je ne doute pas qu’une équipe de la NBA au Québec pourrait avoir le même panache, le même swag.

Cela dit, ne nous arrêtons pas au stéréotype du sport comme seule voie de réussite des personnes pauvres, racisées ou issues de l’immigration.

La communauté d’affaires étant largement représentée par des personnes blanches, Masai Ujiri à la barre des Raptors en tant que président des opérations basketball est aussi un symbole percutant. Il permet de constater que les hommes noirs ou issus de l’immigration peuvent accéder aux sphères du pouvoir et goûter au succès lorsqu’ils portent un complet et une cravate.

Embauché par les Raptors en 2013, c’est Ujiri qui a pris les grandes décisions ayant mené au championnat de l’équipe cette année. Fort de ses origines nigérianes, il a par ailleurs mis sur pied l’organisme Giants of Africa, qui a pour mission de soutenir l’éducation et le développement des jeunes Africains. Avant le match numéro 2 de la finale opposant les Raptors aux Warriors, Ujiri marchait tout sourire au côté de l’ex-président Barack Obama. Une image qui donne envie de crier « Yes We Can ! ».

Et au-delà d’inspirer les personnes sous-représentées, peut-on imaginer qu’une équipe de la NBA contribue à diminuer le racisme ? C’est possible.

Une étude de l’Université Stanford a démontré que la présence du joueur musulman Mohamed Salah au sein du club de soccer Liverpool a contribué à la diminution des manifestations d’islamophobie dans la ville. Depuis l’arrivée du joueur dans l’équipe, les crimes de haine antimusulmans ont diminué de 18,9 % et les tweets islamophobes provenant des fans de Liverpool ont diminué de moitié.

L’étude suggère que le fait d’avoir apprivoisé l’islam par l’entremise d’une célébrité aurait permis au public de connaître l’humain au-delà des stéréotypes. Peut-on imaginer un phénomène similaire en regard des groupes représentés par des joueurs d’une équipe québécoise de la NBA ? Espérons-le.

Enfin, il arrive que les joueurs, entraîneurs et dirigeants de la NBA influencent des débats de société. Lorsqu’en 2017, Donald Trump a banni les arrivées aux États-Unis en provenance de sept pays où l’islam était largement pratiqué, nombre d’entre eux se sont opposés publiquement à ce décret, y compris le joueur Kyle Lowry et Masai Ujiri.

Quel serait le poids de célébrités d’envergure internationale dans l’échiquier politique québécois, notamment sur les questions concernant la religion et l’immigration ?

Je l’ignore, mais j’aimerais en être témoin.

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