Au lendemain de l’engagement historique du gouvernement en matière d’environnement, M. Legault, un « homme de résultats », a invité la population québécoise à juger la CAQ lors du prochain rendez-vous électoral, en 2022, sur son bilan en matière de lutte contre les changements climatiques.

Toutefois, pour évaluer les efforts accomplis d’ici 2022 et le sérieux de cet engagement, il faut minimalement être en mesure d’en faire un suivi annuel en toute transparence et objectivité, surtout dans un aussi court délai et alors que le temps pour changer les règles du jeu diminue considérablement.

Le projet de loi que nous avons rédigé en décembre dernier et proposé au gouvernement par les instigateurs du Pacte pour la transition vise précisément à encadrer juridiquement les mesures qui nous permettront de vérifier, année après année, la progression vers l’atteinte de nos cibles de réduction de GES, dont le premier échéancier de 2020 a lamentablement échoué.

Cette initiative législative, appuyée par une majorité d’anciens ministres de l’Environnement toutes allégeances politiques confondues, par une vingtaine de professeurs de droit de l’environnement, par les signataires du Pacte pour la transition et l’ensemble des jeunes qui manifestent depuis plusieurs mois, s’avère non seulement utile, mais essentielle.

Dans le même souci de pragmatisme et de résultats concrets qui anime le gouvernement, nous avons élaboré ce projet de loi en nous inspirant des structures de gouvernance existantes et des mesures déjà appliquées à l’évaluation des impacts des décisions gouvernementales au bénéfice des entreprises.

Nous avons ainsi proposé que les décisions de l’État ayant un impact sur les émissions des GES soient accompagnées d’un rapport faisant état de la compatibilité de celles-ci avec l’atteinte de nos cibles de réduction, le tout sous la supervision d’un tiers indépendant, en l’occurrence le commissaire au développement durable.

En réponse aux critiques soulevées à l’encontre de notre projet de loi, invoquant notamment le caractère inédit et lourd de la démarche proposée, rappelons que nous n’avons fait qu’appliquer le modèle décisionnel favorisant le développement économique des entreprises depuis près de 20 ans.

Si ces mesures ont été bonnes pour l’économie, pourquoi ne le seraient-elles pas pour contrer la crise climatique ?

Politique d’allègement réglementaire

En effet, au terme de l’actuelle politique d’allègement réglementaire du gouvernement, tout projet de loi, de règlement, d’orientation, de politique ou tout plan d’action doit être accompagné d’une analyse d’impact sur les entreprises avant d’être soumis au Conseil exécutif pour décision, et ce, afin de s’assurer que les coûts liés à l’adoption de ces règles sont réduits à l’essentiel et que le fardeau cumulatif de ces règles ne constitue pas un frein à leur développement.

L’application de ce même cadre décisionnel au bénéfice cette fois de nos engagements climatiques nous apparaît au moins aussi importante, voire même davantage, que le développement économique. Pourquoi s’inquiéter de la lourdeur de ce modèle décisionnel lorsque appliqué à l’environnement, alors qu’il a fait ses preuves au sein de l’appareil d’État depuis 20 ans au nom de l’économie ?

Reddition de comptes

Mais là ne s’arrête pas la comparaison : la politique d’allègement réglementaire impose aussi des obligations de reddition de comptes à tous les ministères et organismes gouvernementaux responsables de l’élaboration de règles qui ont des impacts sur les entreprises, les obligeant à rendre publics leurs engagements en matière d’allègement réglementaire et administratif. Une telle reddition de comptes obligée doit certainement avoir porté ses fruits, sans lourdeur démesurée, pour avoir conditionné le succès du régime d’allègement réglementaire depuis 20 ans…

Sans une telle loi sur le climat, nous pouvons d’emblée affirmer qu’il sera non seulement impossible de juger le gouvernement sur ses résultats en 2022, mais pire, que nous risquons fort de nous retrouver à nouveau dans un « brouillard climatique » semblable à celui qu’a déploré M. Legault à son arrivée au pouvoir, mais dont les conséquences seraient davantage dramatiques, notamment en raison de la réduction de la période de temps requise pour réduire notre empreinte carbone et limiter le réchauffement climatique.

L’acceptabilité par la population des mesures nécessaires pour limiter la crise climatique ainsi que le difficile arbitrage qui devra être fait entre les différents secteurs industriels générateurs de GES et les nouveaux projets à réaliser obligent cette transparence et cette reddition de comptes qu’imposera le projet de loi.

Alors que les décisions les plus importantes pour les générations actuelles et futures doivent être prises à l’intérieur des deux prochains mandats politiques, quel gouvernement pourrait encore se priver d’une loi sur le climat qui garantirait l’atteinte de nos engagements climatiques en assurant transparence et reddition de comptes, que ce soit pour sa propre gouverne ou pour maintenir notre confiance dans l’exercice d’une réelle volonté politique d’agir ?

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