Des vers fameux de Leonard Cohen disent qu’il y a une fissure en chaque chose et que c’est ainsi que la lumière pénètre.

Les racines du mouvement écologiste remontent au XIXe siècle, en particulier dans les œuvres d’Alexander von Humboldt (la Terre considérée comme un tout organique et l’activité humaine qui induit des changements climatiques), d’Henry David Thoreau (l’amour de la nature) et de George Marsh (la dénonciation de l’impact destructeur de l’humanité sur l’environnement). Ces textes fondateurs ont élaboré ses thèmes principaux et aménagé les fissures par lesquelles il va se révéler au monde.

Mais c’est dans la deuxième moitié du XXe siècle que le mouvement écologiste prend forme. L’abus des défoliants (DDT) et des insecticides, les premières marées noires, les essais nucléaires et les maladies dues aux déchets industriels, entre autres, amènent la structuration des premières organisations environnementalistes : sont ainsi créés les Amis de la Terre en 1969 et Greenpeace en 1971, tandis que le premier Jour de la Terre est célébré le 22 avril 1970. René Dubos invente alors l’expression « Penser globalement, agir localement ».

En 1972, le Club de Rome appelle à la limitation de la croissance économique au nom du développement durable et de la limitation de l’empreinte écologique.

Ces initiatives visent principalement à dénoncer les abus et à protéger les milieux naturels et les espèces animales et humaine.

L'écologie profonde

Au même moment, une autre mouvance apparaît. En 1973, le Norvégien Arne Næss crée l’écologie profonde, qui critique l’anthropocentrisme des mouvements écologistes classiques, qui mettent au premier plan la satisfaction des besoins humains, et prône le biocentrisme, en vertu duquel il faut reconnaître les droits intrinsèques de la nature, réévaluer la place de l’humain dans la biosphère et développer une « éthique de la Terre ».

Incarnée dans l’organisation américaine Earth First (1980), l’écologie profonde prône une importante diminution de la population humaine et le passage à la décroissance économique. Ainsi apparaît l’écologisme, une idéologie à connotations religieuses. Ce mouvement est alors marginal et fortement critiqué.

Kyoto

La situation change avec le protocole de Kyoto de 1997, qui révèle au grand public la problématique des changements climatiques et appelle à la réduction de l’émission de CO2. À partir de ce moment, la question du réchauffement planétaire, qui, selon le consensus scientifique, produira la fonte des glaciers et la hausse du niveau des océans, en plus de multiplier les dérèglements météorologiques, devient le leitmotiv du mouvement écologiste. Désormais, chaque ouragan ou inondation est érigé en preuve des changements climatiques.

Cela provoque aussi la fracture du mouvement entre ses deux tendances : ceux qui prônent le développement durable, dans l’espoir de réduire le réchauffement, et ceux qui croient qu’une catastrophe climatique de grande envergure est inévitable si les humains n’adoptent pas dès maintenant (horizon 2030) des politiques de décroissance économique et même démographique. Les discours de Greta Thunberg, de groupes comme Extinction Rebellion et des instigateurs du Pacte pour la transition s’inscrivent clairement au sein du courant catastrophiste qui se réclame de l’urgence climatique pour en appeler à des changements radicaux.

Ce millénarisme fortement médiatisé est en train d’y marginaliser la tendance modérée et de rendre l’écologisme profond socialement acceptable.

Une proportion croissante des écologistes cesse de croire en la possibilité de réformes graduelles et exige des gestes drastiques immédiatement, dont la fin de la production de CO2. Cette radicalisation aura des conséquences politiques et idéologiques importantes. Elle produira d’abord un heurt frontal avec tous ceux qui défendent la croissance dans un horizon prévisible. Mais elle pourrait aussi générer de l’écoterrorisme de la part de militants frustrés, en plus de rendre le dialogue impossible entre les dirigeants politiques et les groupes environnementaux.

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