L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dépose en même temps un rapport spécifique au Québec (Kepek-Québec) qui souligne des enjeux particuliers comme la barrière de la langue, les services de santé et les services sociaux fournis par des congrégations religieuses, de même que les interactions entre les Autochtones et les services de police provinciaux.

Depuis l’aube de l’humanité, toutes les sociétés se sont préoccupées d’assurer la sécurité des membres de leurs communautés. Or, encore aujourd’hui, des rapports de l’Organisation mondiale de la santé indiquent qu’au cours de leur vie, 35 % des femmes dans le monde sont victimes de violence physique ou sexuelle, et ce chiffre ne représente que les cas de violence signalés.

Au Canada, les statistiques démontrent que les femmes et les filles autochtones sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes de violence que les femmes allochtones. Selon Statistique Canada, entre 2001 et 2015, le taux d’homicides était près de six fois plus élevé pour les femmes autochtones que pour les femmes allochtones. Un risque d’une telle ampleur exige, de nous tous, d’assumer nos responsabilités, de cerner clairement le problème et de prendre des mesures énergiques pour corriger cette situation qui est ancrée dans le contexte historique et politique du Canada. 

Les statistiques sont impuissantes à exprimer ce que vivent véritablement les familles et les communautés lorsqu’elles perdent des êtres chers dans une telle violence. Le concept de famille s’étend bien au-delà de la lignée biologique ; la famille est formée de diverses composantes qui font sa diversité et sa richesse. Chacune d’entre elles mérite de vivre dans un environnement qui permettra à tous ses membres de se développer pleinement, sereinement et en toute sécurité. 

La Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) a été une expérience d’apprentissage personnel et professionnel très riche, mais aussi éprouvante. La réalisation de notre mandat a été une tâche ardue et je me suis sentie souvent impuissante en entendant les témoignages de toutes les personnes qui ont généreusement contribué à l’exercice que nous leur proposions. 

Notre mission était de faire la lumière sur une crise sociale qui affecte les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA* autochtones tous les jours de leur existence. Bien que cette crise soit identifiée depuis longtemps, nous avons tous collectivement tardé à enquêter sous tous ses aspects. Cette Commission, dont je fais partie, a examiné une situation qui touche toutes les communautés autochtones du Canada, qui implique également toutes les résidentes et tous les résidents du Canada, au cours des 500 ans de leur histoire commune.

Cette enquête sans précédent a porté sur les violences faites aux personnes parmi les plus vulnérables de ce pays et en a identifié les causes systémiques.

Jamais la vérité sur les violences faites aux femmes et aux filles autochtones n’a eu une telle occasion d’être connue, entendue et reconnue. 

Pourquoi tant d’efforts ? Pour que les choses changent. Je termine mon mandat en constatant, en toute humilité, que cette commission d’enquête aura permis d’honorer les luttes que mènent des familles et des survivantes depuis les 40 dernières années. Cette commission d’enquête, demandée par des milliers de familles, aura permis de faire rejaillir la lumière sur des faits trop souvent cachés.

La violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA autochtones n’est pas le résultat d’un événement isolé. Tristement, c’est hélas, la réalité quotidienne d’un trop grand nombre d’êtres humains, dont la plupart comptent parmi les plus vulnérables de ce pays. Nous avons aujourd’hui l’occasion de souligner l’extraordinaire résilience des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones, qui s’emploient depuis toujours à défendre leurs droits et à tracer une route pour l’avenir — une route que nous devons tous emprunter ensemble. Nous voulons offrir aux victimes une reconnaissance honorable et aux familles, l’opportunité de pouvoir enfin offrir un avenir meilleur à leurs enfants. 

Le présent ne se comprend qu’en lien à un passé qu’il faut connaître, comprendre et accepter pour que l’avenir ait un sens.

Nous devons maintenant aller plus loin et proposer un vrai projet de société qui permettra au Canada de répondre adéquatement à ce problème majeur de société et de sortir de cette impasse. 

Tous nos efforts auront permis d’identifier des pistes, des moyens et des actions pour initier ce mouvement. Chaque Canadienne et Canadien peut et doit s’impliquer, à son niveau, pour que les choses changent. Ensemble, nous avons le devoir de prendre des mesures concrètes pour prévenir et éradiquer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, et assurer leur sécurité.

Cette commission d’enquête n’est pas la fin d’un mouvement mais bien une étape dans un processus sain et porteur d’espoir, un projet de société. Aujourd’hui est le premier jour du Canada de demain. On ne peut pas changer le passé, mais on peut travailler ensemble à modeler un avenir meilleur, bâti sur la richesse de chacune des communautés qui le composent et ainsi, s’engager ensemble à mieux assurer la sécurité des femmes et des filles autochtones.

Ce rapport est le résultat de l’effort collectif de nombreuses personnes et il dessine une feuille de route qui nous permettra comme société, dorénavant, de mieux assurer, la sécurité des femmes des filles, et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Un immense merci d’avance à toutes celles et ceux qui contribueront à ce que ce rapport ait un lendemain, qu’il engendre des décisions pour en assurer la mise en œuvre et détermine les actions qui aboutiront aux résultats attendus.

* Le rapport de l’ENFFADA explicite ainsi le sigle 2ELGBTQQIA : « personnes bispirituelles, lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement et personnes intersexuées ou asexuelles ».

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