Monsieur François Legault, Madame Marguerite Blais, Dans les derniers jours, les médias sont revenus en force sur le sujet des « maisons des aînés » que votre parti veut offrir à la population vieillissante.

Permettez-moi de vous raconter un peu l’histoire de « la maison des vieux » que j’ai connue dans mon patelin, il y a de cela 40 ans.

Un jour, une personne engagée et influente de mon village natal, assise à sa table de cuisine avec le député du comté, dit à ce dernier : « Il nous faut une maison pour nos vieux. » Il a gagné son point. Nous avons eu notre maison pour les vieux et nous en étions fiers. Ma grand-mère maternelle et plusieurs autres de la place y sont entrés dès que la maison fut construite. Je me souviens que j’allais écrire des lettres pour ma grand-mère. Certains de ses enfants habitaient trop loin et ne pouvaient la visiter aussi souvent que moi.

On m’a raconté que, chaque soir, une préposée lui mettait ses bigoudis pour la nuit. Elle était très fière, ma grand-mère ! Imaginez-vous qu’en plus, il fallait déposer sur ses bigoudis des poches de thé déjà utilisées. Paraît-il que cela permettait à ses cheveux de ne pas blanchir trop vite !

Dans ce temps-là, les préposés avaient le temps de faire ce genre de gestes personnels et simples qui permettaient de poursuivre certaines habitudes des résidants tout en favorisant des échanges résidants-préposés autres que pour les soins requis.

Dans ce temps-là, on calculait le nombre de préposés à partir des besoins de chaque résidant. Une équipe formée de la direction de l’établissement, de l’infirmière et de préposés se penchait sur le nombre d’heures nécessaires pour répondre à chacun des besoins. Certains, selon leur condition physique ou cognitive, réclamaient plus d’heures pour leurs soins, d’autres moins. On faisait le calcul des heures requises pour l’ensemble des résidants et, à partir de cela, on calculait le nombre de préposés nécessaires afin de répondre, de façon équitable, aux besoins de chacun en tenant compte des situations particulières.

On appelait cette maison la Villa Prévost en l’honneur d’Eugène Prévost, illustre personnage de la place, inventeur du premier autobus Prévost. Quelle fierté d’appartenir à notre collectivité !

Des résidants déracinés

Ne cherchez pas sur Google la Villa Prévost. On l’a remplacée par le CHSLD de Sainte-Claire. Un grand coup a alors été donné dans la collectivité, un grand coup a été donné dans le sentiment d’appartenance des résidants et du personnel.

Le personnel requis était maintenant calculé par têtes de pipe, par nombre de résidants peu importe le nombre d’heures de soins requis par chacun. On a arrêté de tenir compte des besoins particuliers des résidants. On a ainsi diminué le nombre de personnes engagées pour prendre soin des résidants.

Puis, on s’est mis à déraciner des vieux. Souvent, on retrouve aujourd’hui dans les CHSLD des résidants déracinés de leur village natal, très éloignés de leur famille et de leurs amis. Je ne peux m’empêcher ici d’avoir un pincement au cœur en pensant que si elle avait vécu aujourd’hui, ma grand-mère pourrait être victime d’un traitement semblable. Ma grand-mère a eu une fin de vie heureuse dans notre maison des vieux.

En passant, notre CHSLD n’a pas l’air d’un hôpital. Il est accueillant et chaque étage a son salon et sa salle à manger. Le personnel est dévoué et travaille à offrir le meilleur ou plutôt le moins pire, compte tenu des circonstances avec lesquelles les employés doivent composer actuellement.

Monsieur Legault, Madame Blais, pour vos projets de maisons des aînés, je n’ai qu’un seul souhait, que vous collaboriez avec nos syndicats afin que les besoins des résidants soient considérés de la même façon qu’on a considéré les besoins des résidants dans notre maison des vieux.

Respectueusement vôtre.

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