Les inondations de ce printemps ont surpris tout le monde. Comme si le phénomène n’était pas prévisible.

Plus de 10 000 personnes ont dû quitter leur domicile sans même pouvoir apporter leurs effets personnels. Pas moins de 2800 résidences ont été inondées, des pertes totales pour un bon nombre. Des digues, des ponts et des sections de route ont été emportés par la ruée des eaux. À tel point qu’une quarantaine de municipalités ont dû déclarer l’état d’urgence. Du jamais, mais jamais vu.

Les conséquences sont énormes en coûts humains, sociétaux et financiers. Pour plusieurs, c’est la perte subite et totale de leurs avoirs accumulés bien souvent en vue de la retraite. Pour d’autres, c’est du même coup la disparition de leur emploi, tels les employés des gâteaux Vachon en Beauce. Peut-on imaginer pire drame que de perdre en même temps sa maison et son emploi ?

Quant aux citoyens, ils doivent assumer année après année des dépenses publiques élevées qui s’ajoutent au fardeau déjà lourd de la fiscalité.

Cette catastrophe n’est pas un effet du hasard. Elle fait suite aux inondations sans précédent du printemps 2017, à l’été anormalement chaud et sec de 2018, à l’hiver de verglas et de glace de 2019. Il est difficile de ne pas voir un lien entre ces événements et le réchauffement de l’atmosphère.

Et de conclure qu’ils vont continuer de se produire avec encore plus d’intensité. D’autant plus que c’est au Canada que la température se réchauffe le plus rapidement.

Au début des années 70, le gouvernement Bourassa, dont j’étais membre, avait vécu un tragique glissement de terrain, qui avait causé plusieurs pertes de vie, à Saint-Jean-Vianney, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. À la même époque, les rivières, particulièrement la rivière Chaudière en Beauce, sortaient de leur lit chaque année et causait de sérieux dommages. Devant cette situation, le gouvernement avait fait adopter une loi afin que les zones inondables soient identifiées et que les municipalités prennent les mesures nécessaires pour stopper les constructions dans ces zones.

Des municipalités dépendantes de l’impôt foncier

Comment se fait-il que 50 ans plus tard, il ait fallu une crise majeure pour que l’alarme soit sonnée ? C’est difficile de concevoir que non seulement nous n’avons pas progressé, mais que nous avons régressé. Que les zones inondables ont été envahies sous l’œil bienveillant des municipalités. Et surtout, pourquoi les municipalités n’ont pas défendu les constructions dans ces zones.

Or, la cause principale de ce phénomène est connue depuis longtemps. Elle se situe dans le fait que les revenus des municipalités, petites et grandes, proviennent pour une trop grande part de l’impôt foncier. Pour faire face à leurs obligations, les municipalités ne peuvent guère faire autrement pour augmenter leurs revenus, que de stimuler la construction et générer ainsi de nouveaux revenus. La tentation est particulièrement forte de construire autour des villes et des agglomérations et, malheureusement, au bord des lacs et des rivières.

Voilà une question qu’aucun gouvernement n’a eu la perspicacité d’aborder sérieusement au cours des 50 dernières années.

De plus, la question de l’impôt foncier se situe au centre d’une problématique beaucoup plus large. La trop grande dépendance à l’impôt foncier chasse les gens, particulièrement les plus jeunes, vers la périphérie des villes et des agglomérations.

Au Québec, les municipalités dépendent de l’impôt foncier pour 70 % de leurs revenus, alors qu’ailleurs au Canada, il ne compte que pour environ 40 %. Ce déséquilibre fiscal contribue fortement à l’étalement urbain et, plus particulièrement, à l’invasion des zones inondables, des zones humides et des précieuses terres agricoles.

L’étalement urbain a de plus des impacts énormes sur les plans économique, social et environnemental. Les effets ne sont pas négligeables : les dépenses élevées pour les nouvelles infrastructures en périphérie, les pertes des terres agricoles, les émissions accrues de gaz à effet de serre dues au transport, pour ne nommer que ceux-là. Il est clair qu’il faut renverser la vapeur et freiner le développement anarchique dont nous sommes témoins au Québec.

Le caractère dramatique des inondations de ce printemps présente d’ailleurs une occasion unique pour le gouvernement. D’autant plus que le bon état de nos finances publiques rend possible, pour la première fois, le rééquilibrage de celles des municipalités en ligne avec leurs responsabilités.

La solution doit à cet effet tenir compte du caractère essentiel des villes et de leur rôle moteur dans la dynamique d’un développement plus équilibré du Québec. Ceux qui ont analysé la question sont d’accord sur la nécessité pour le gouvernement de céder à tout le moins 1,5 % de la TVQ aux municipalités. Pour le gouvernement qui s’est fait élire sans politique en matière d’environnement, il y a là une occasion non seulement d’agir, mais de le faire d’une façon durable.

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