Signe que notre angoisse écologique croît en intensité, le traditionnel Jour de la Terre est en train de se transformer en semaine complète, avec les manifestations et les annonces devenues de rigueur. Pour dissiper notre anxiété, on multiplie les gestes, on prend la rue, on boycotte les pailles, on fait rouler des voitures électriques à coups de centaines de millions de dollars. Cette frénésie suffira-t-elle à mobiliser les décideurs sur un enjeu dont l’échéance se rapproche, mais jamais autant que celle du prochain budget, des prochaines élections ?

Comme plusieurs l’ont souligné, nos efforts personnels ne seront en effet pas suffisants. À quoi bon être des centaines de milliers à renoncer aux sacs de plastique si pendant ce temps-là, des kilomètres de nouvelles routes détruisent à tout jamais des milieux naturels jusque-là préservés ? Je l’affirme : seuls les choix collectifs faits par les différents ordres de gouvernement, au besoin sous la pression populaire, peuvent nous permettre de faire réellement notre part.

Au Québec, puisque notre production électrique est l’une des plus propres au monde, le geste le plus structurant que nous puissions faire pour à la fois réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous adapter aux changements climatiques et protéger la biodiversité, c’est adopter un mode de développement urbain durable.

Pour réussir la transition écologique, nous devons impérativement apprendre à faire plus avec moins, ce qui veut dire accueillir plus de monde sur moins d’espace.

Un développement urbain plus soutenable passe nécessairement par la densification. Toutes les études le montrent, qu’elles soient menées par des universitaires québécois ou par des experts du GIEC : la compacité et la densité sont systématiquement corrélées avec l’impact écologique. La densification apparaît comme l’approche la plus porteuse pour réduire notre consommation énergétique tout en protégeant les milieux naturels.

Pensons-y : chaque bâtiment construit en ville est une parcelle de forêt ou de terre agricole sauvée de l’étalement urbain. Les inondations de ce printemps nous rappellent douloureusement notre vulnérabilité. Protéger les écosystèmes qui nous entourent, c’est aussi nous protéger nous-mêmes des vagues de chaleur, de l’érosion, et autant de la sécheresse que des inondations.

Si la densité a déjà eu mauvaise presse, on est en train d’en redécouvrir les avantages. À preuve, les coûts de l’immobilier montent en flèche dans de nombreux quartiers compacts ! Densifier les milieux bâtis permet d’utiliser des infrastructures existantes au lieu d’en construire de nouvelles. C’est aussi la meilleure stratégie pour que davantage de gens aient un bon accès aux services du quotidien, qu’il s’agisse d’écoles, de transports en commun, de parcs, de commerces de proximité.

Participation citoyenne et courage politique

Transformer l’existant est toutefois plus complexe que construire dans un champ, parce que les nouveaux bâtiments s’insèrent dans un milieu habité, et que l’ère de la rénovation urbaine à coups de bulldozer est heureusement révolue. Les citoyens ont maintenant leur mot à dire. Or, de nouveaux voisins, cela peut permettre l’ouverture d’une épicerie ou d’une bibliothèque, l’aménagement d’un parc et l’amélioration des transports collectifs. Mais cela peut aussi vouloir dire plus de circulation et moins de soleil !

Sauver la planète grâce à la transformation urbaine va demander des processus exemplaires de participation citoyenne, parfois un certain courage politique pour défaire des minorités de blocage, et beaucoup d’éducation.

La densification des milieux de vie est un heureux mélange de défense des intérêts collectifs et de prise en compte des préoccupations citoyennes.

Ce défi, les collectivités québécoises peuvent et doivent le relever. Pour les aider, un coup de pouce financier sera nécessaire pour les inciter à concentrer leur énergie sur les meilleures pratiques. Un fonds consacré à l’aménagement et à l’urbanisme durables serait bénéfique autant pour la revitalisation des noyaux villageois que pour la consolidation des strips commerciales et la densification des secteurs propices. L’État, trop souvent incohérent, devra lui-même faire preuve de cohérence et de vision en commençant par élaborer une Politique nationale d’aménagement du territoire pour coordonner son action.

Notre avenir se joue en ce moment, dans notre façon de construire nos villes. Ne l’échappons pas.

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