Voici quelques réactions à l’éditorial de François Cardinal « Le péril jeune », publié samedi.

Protéger la prochaine génération

C’est aussi en donnant l’exemple qu’il faut conscientiser les jeunes au fait français. Pourquoi accepte-t-on autant de chansons anglaises dans une émission comme La voix ? — Francine Roy

Sur mon Facebook, on reconnaît la matante par son écriture exempte d’expressions anglaises en comparaison du texte d’un jeune de moins de 45 ans truffé délibérément d’anglais pour faire cool ou hot (c’est selon). J’achète mes t-shirts avec inscriptions en français. Les jeunes me trouvent quétaine. Le baby-boomer a connu l’emprise des anglophones sur la vie de ses parents (tout comme l’emprise religieuse, d’ailleurs) et ne veut certainement pas revenir en arrière, contrairement au jeune qui ne voit de menace nulle part. Les jeunes francophones menacent eux-mêmes leur langue. Ils n’auront qu’eux à blâmer si elle est reléguée au folklore dans quelques années. Dommage, car c’est eux qui vivront avec tous leurs choix ; moi, j’aurai « levé les pattes ». Si le baby-boomer se bat pour conserver des acquis, c’est pour protéger la prochaine génération, mais malheureusement, on le considère toujours comme un empêcheur de tourner en rond. Qui sait ? Peut-être un jour vais-je me fatiguer de me battre contre un moulin à vent et suivre le troupeau de jeunes agneaux pour ne pas être rejetée comme un gobelet jetable usagé devenu inutile. — Micheline Renaud

Désolation

Chaque année, je demande à mes élèves, dans le cadre de leur cours de français, de faire une recherche sur l’avenir du français au Québec et d’écrire une lettre ouverte sur ce sujet. Depuis quelques années, je constate avec désolation que la grande majorité d’entre eux a pour opinion que le fait français disparaîtra dans 20 ans. Toujours selon cette majorité d’élèves, la langue française n’a plus aucune utilité pour ceux qui ont pour ambition de travailler dans le milieu des affaires. C’est désolant, mais c’est une réalité que de vouloir préserver la langue française avec des lois, sans faire en sorte de la promouvoir comme véhicule culturel. — Rudolph Ménard

Pas une seule chanson francophone

Comment voulez-vous que les jeunes s’intéressent au français quand la majorité des médias utilisent et encouragent constamment des anglicismes ? À titre d’exemple, combien de fois entend-on à la radio des annonceurs ou des commentateurs qui parlent d’un « show sold out », du nombre de « like » qu’ils ont eus sur Facebook, etc. ? De plus, je vous mets au défi de trouver un poste de radio qui fait jouer une majorité de chansons francophones, surtout les samedis ou les dimanches après-midi. Je peux rouler plus d’une heure en voiture sans entendre une seule chanson francophone. Vraiment désolant ! — Monique Fillion, Vaudreuil-Dorion

« Bonjourail »

Ce « bonjour-hi » deviendra un seul mot : « bonjourail ». — Laurier Sirois

Gracias, thank you, merci

Elle se sent fragile, notre belle langue, pas toujours rose ; on la malmène souvent, mais elle est là pour rester, car voyez-vous, je vais souvent dans votre grande ville et il n’y a qu’une seule fois où un commis m’a interpellée par un « bonjour-hi » et illico je lui ai répondu « hi-bonjour ». Le jeune homme a pouffé de rire et a continué à me parler dans un bon français. C’est pour vous dire qu’un peu d’ironie ne fait pas de tort. Il faut aussi dédramatiser… un peu d’humour et le tour est joué. J’ai aussi entendu le mot « allo ! » Pas « hello », mais « allo »… Ce sont pour la plupart de jeunes commis, alors ! Croyez-moi, je récuse bien volontiers cette épithète franglaise, surtout étant résidante d’une ville on ne peut plus francophone. J’aime profondément notre langue qui est chantante et charmante, lorsque bien parlée. Je vous dis gracias, thank you et surtout merci… le plus joli mot de la langue française, pour votre éditorial inspirant. — Ginète Nichols, Saint-Hyacinthe

Une campagne sur leurs cellulaires ?

Une campagne d’amour de notre langue serait nécessaire, d’abord à l’école. Je me souviens que lorsque j’étais au secondaire, il y a très longtemps (j’ai 70 ans), il y a eu une campagne de ce genre : « Bien parler, c’est se respecter ». Dans le temps, le français était très mal parlé. Je trouve que le niveau de langage s’est beaucoup amélioré, que les jeunes ont beaucoup plus de vocabulaire que nous en avions et qu’ils s’expriment mieux. Par contre, ils sont indifférents à défendre leur langue, ils n’en voient pas la nécessité. Une campagne sur leurs cellulaires, peut-être ? — Louise Bégin

Perte de mémoire

Les jeunes ne se sentent plus menacés par l’anglais, une langue qui est maintenant maîtrisée par la première génération de notre histoire. Leur identité française est aussi forte que celle des générations précédentes. N’oublions pas que les mots windshield, pantry, toaster furent couramment utilisés sans que l’on sache leur pendant français. Le « bonjour-hi » apparaît bien innocent à côté des horreurs d’antan. Je n’ai aucun doute que s’il y avait une attaque contre notre culture, notre jeunesse se lèverait avec force et détermination. « Bonjour-hi » n’est ni une attaque ni un soubresaut. Allez en France pour voir ; les anglicismes y pleuvent tellement qu’on a peine à s’y retrouver. La menace ne viendra pas de ces mots empruntés avec escient, elle viendra des mots imposés avec une perte de mémoire du fait français. — Christian Castonguay, Laval

Une question complexe

Bien que le sort du français soit une question qui me touche de très près puisque j’enseigne la littérature au niveau collégial, et que, notamment, je constate la tendance lourde actuellement, du côté de notre population étudiante, à pratiquer l’alternance linguistique (code switching, où les locuteurs parlent simultanément dans les deux langues, parfois même au sein d’une phrase), je crois que votre éditorial pèche par alarmisme. Il importe de fouiller davantage la question de l’attachement des jeunes au français ; et c’est notamment dans leur survalorisation de l’anglais que nous trouverions sûrement des réponses.

En effet, comment expliquer que les jeunes se ruent aux portes du Champlain College alors que l’enseignement qu’on y trouve n’a rien d’exceptionnel mis à part le fait qu’il se donne en langue anglaise ? Comment comprendre la tendance des parents à vouloir que leur progéniture soit bilingue le plus tôt possible, dès la garderie ou le primaire ? Ou le peu d’importance attachée à la loi 101 dès lors qu’elle pourrait nuire « individuellement » aux jeunes francophones ? Toutes ces questions sont abordées dans le documentaire I speak français de Karina Marceau, film qui a davantage le sens de la nuance que votre éditorial. En tout respect, je trouve qu’une série d’articles aurait fait davantage pour traiter de cette question complexe. — Élisabeth Rousseau, enseignante de français au Collège André-Grasset

Le français n’est pas une langue seconde

L’attitude de la plupart des jeunes découle de l’apprentissage du français à l’école. La langue est enseignée le plus souvent comme une langue seconde ou une simple langue de communication. Dès le primaire, quelles écoles font découvrir avec ravissement les fables de La Fontaine, les contes d’Alphonse Daudet comme La chèvre de Monsieur Seguin ou Jules Verne ? Qui sensibilise le jeune à la richesse extraordinaire du vocabulaire et à la beauté de cette langue ? Au secondaire, même constat. Des milliers de jeunes n’ont jamais lu des chefs-d’œuvre qui sont pourtant des phares ou des lumières dans une vie, des livres qui éblouissent le lecteur, des livres qui sont source de multiples réflexions, qui font rêver tout en éclairant sur le comportement humain. Quels sont les élèves qui ont lu ne serait-ce que des extraits du Malade imaginaire, de Cyrano de Bergerac, des Misérables, du Journal d’Anne Frank ou de Kamouraska ? Ah, j’oubliais la fameuse réflexion voulant que « cela ne les intéressera pas, voyons ! ». Non ! Erreur ! Et le ministère de l’Éducation n’exige même pas d’examen de grammaire, matière incontournable pour raffermir l’apprentissage de la langue et pour la faire aimer ! Et y a-t-il un réel examen d’expression écrite ? Non ! Comment s’étonner de la piètre qualité du français et de l’attitude des jeunes face à cette langue considérée pourtant comme « la plus belle » selon les sondages ? Il serait pertinent que les journalistes se penchent sur les exigences des Italiens, des Espagnols, des Allemands ou des Français en matière de langue maternelle. Arrêtons d’offrir à nos jeunes des examens de langue seconde : ils méritent mieux. — Suzanne Spanol

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