La première réflexion de l'humain face à une contrainte se résume souvent ainsi: peut-il contourner la règle? En somme, y a-t-il possibilité d'être un resquilleur? Dans la formation des comptables professionnels agréés, la notion de contrôle des risques est primordiale. Ainsi, en lisant le projet de loi 20 du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, on peut se questionner sur la possibilité pour des médecins spécialistes d'éviter les mesures contraignantes imposées.

Si le but de ce projet de loi est d'améliorer l'accessibilité aux soins, il se pourrait qu'il manque partiellement la cible sur un certain point. En gestion, on doit respecter certains principes de base. Il doit y avoir une cohérence entre les objectifs, les moyens pour les atteindre et la rémunération des protagonistes. Surtout, il ne doit y avoir aucune possibilité pour les médecins de changer leur comportement en augmentant leur rémunération tout en évitant l'atteinte de l'objectif premier.

Or, l'article 12 du projet de loi contrevient à ce principe. En effet, on peut y lire: «Tout médecin spécialiste qui est titulaire d'une nomination lui permettant d'exercer sa profession dans un centre hospitalier exploité par un établissement doit [...] dispenser les services spécialisés ou surspécialisés aux usagers inscrits à son nom depuis plus de six mois sur la liste d'accès aux services spécialisés et surspécialisés visée à l'article 185.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux [...]»

En somme, le médecin spécialiste se retrouve en défaut si un patient se trouve sur sa liste d'attente depuis plus de six mois. L'article 19 précise que la «[...] rémunération qui doit être versée à un médecin au cours d'un trimestre pour lequel il a été déclaré en défaut est réduite conformément au règlement du gouvernement.»

Conséquemment, quand un patient attitré à un médecin spécialiste se trouve sur une liste d'attente depuis plus de 6 mois, le médecin voit sa rémunération amputée. Opérer davantage est-il possible? Si la réponse est négative, le médecin se retrouve à être pénalisé pour une situation qu'il ne contrôle pas. Le protagoniste doit avoir un certain contrôle sur l'atteinte de ses objectifs. Ainsi, un médecin futé se dira qu'il a un contrôle à un endroit de la chaîne de valeur: le moment où le patient est inscrit sur la liste d'attente.

Pour les opérations ne mettant pas en danger la vie du patient, il se pourrait qu'un médecin retarde volontairement l'inscription d'un patient pour une chirurgie pour ne pas être pénalisé par le projet de loi 20.

Par exemple, un patient rencontre un ORL. Celui-ci détecte qu'une opération pourrait améliorer la qualité de vie du patient de 80%. L'ORL pourrait se dire: «Je vais dire au patient de se vaporiser le nez avec du Nasonex ou de l'Avamys durant 6 mois et revenir me voir pour un suivi.» Ainsi, le spécialiste retarderait l'entrée du patient sur sa liste d'attente et sa rémunération ne serait pas passée au scalpel. Ce comportement, si généralisé à plusieurs spécialités, améliorerait les statistiques. Par contre, les patients seraient tout de même malades: ils se trouveraient sur une liste latente implicite. Évidemment, cette situation n'est pas valable pour les cas de cancers où la vie du patient est en danger.

Comme dit le proverbe, «où il y a des hommes, il y a de l'hommerie.» Veut-on vraiment que les médecins spécialistes contournent le Dr Barrette?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion