Depuis deux ans, je fais la tournée d'écoles secondaires pour faire la promotion de la formation en administration. Journées carrières, journées portes ouvertes, rencontres dans les salles de classe, rencontres de parents, voilà une belle occasion pour les étudiants de comprendre l'ensemble des emplois qui se cachent derrière tout ce qu'ils consomment comme produits et services. Puis, revient toujours la phrase qui me sidère: «Est-ce que ça me prend les mathématiques fortes?»

Après deux ans, j'ai fini par comprendre l'étendue généralisée de cette interrogation. On présente les mathématiques autrefois bien connues sous le nom de «436» comme des mathématiques «fortes». Voilà un problème de cadrage. Présenter les mathématiques comme «régulières» ou «fortes» dans le langage pédagogique, c'est déjà porter ex ante une limite au jugement d'un adolescent incertain ou démotivé. En effet, qualifier l'option classique comme «forte», c'est pousser l'étudiant en quête de facilité vers la version «régulière». Qui plus est, cela mène à une auto-évaluation de l'adolescent de ses propres capacités. La réflexion qui s'en suit: des «maths fortes», c'est bien trop difficile pour moi! Jamais cet adolescent ne maîtrise l'incidence de ce «choix» actuel sur son avenir.

Chaque fois que j'entends la phrase fatidique, je me demande toujours ce que font les conseillers en orientation. Qu'advient-il de l'héritage des cours d'éducation au choix de carrières disparus du programme obligatoire?

Le 1er mars prochain, des milliers d'étudiants devront décider d'un programme d'études qui les intéresse. Plusieurs réaliseront avec grande surprise qu'ils ont besoin de leurs mathématiques «fortes» [anciennement appelées 436 et maintenant SN (sciences naturelles) ou TN (technico-sciences)] pour être admis dans un programme d'études choisi.

Cet exemple des mathématiques est peut-être anecdotique pour plusieurs, mais il démontre le peu de préparation d'une partie de notre jeunesse relativement à son avenir. Pourtant, les mathématiques sont partout dans notre vie: mesures en construction, proportions en art, déplacements d'un objet dans un jeu vidéo, calculs sous-jacents à un plan d'architecte, proportions d'une recette de cuisine, calculs d'un déplacement optimal dans un parcours de transport en commun, etc..

Le savoir, c'est la richesse d'une société. Une société éduquée et réfléchie, c'est notre besoin collectif dans un monde où la mondialisation des marchés nous éloigne des emplois manufacturiers. On ne sait jamais quand une connaissance ou une compétence connexe pourra nous servir. Ce n'est parfois que quelques années plus tard qu'on réalise l'utilité de la formation générale que nous avons collectivement reçue.

Ainsi, pourquoi à l'âge de 15 ans faire le choix de prendre le chemin le plus facile pour épargner quelques heures d'études? Pourquoi faire un choix et commencer à se fermer prématurément des portes? Est-ce vraiment un choix lorsqu'on n'en mesure pas les conséquences adéquatement?

Le niveau de difficulté d'une matière scolaire est relatif à nos expériences passées. À force de qualifier les mathématiques comme de la moutarde, on en vient à mettre un préjugé dans l'esprit des jeunes. Verra-t-on bientôt un code de piments forts à côté des sigles des cours de mathématiques? Pour grandir en tant que société, pouvons-nous nous intéresser à l'avenir de nos jeunes? S'asseoir avec son adolescent et le suivre quotidiennement dans son cheminement scolaire est primordial. Ainsi, lorsqu'il mentionnera «je n'ai pas besoin de mes mathématiques fortes», on sera en mesure de lui répondre: «Es-tu certain?».

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