Le 14 janvier dernier, Hydro-Québec a fait une annonce qui est passée largement inaperçue : la centrale au gaz naturel de Bécancour sera utilisée à l'avenir pour aider Hydro-Québec à fournir de l'électricité aux heures de pointe, avec du gaz naturel livré par Gaz Métro.

Cela signifie qu'on pourra faire fonctionner cette centrale inaugurée en 2006, mais remisée dès 2008 (à cause des surplus énergétiques), pour chauffer les clients d'Hydro-Québec lors des grands froids. C'est une entente avec le propriétaire de la centrale, TransCanada, qui permet cela. TransCanada ? Oui, cette même entreprise qui cherche à construire l'oléoduc Énergie Est, de l'Alberta jusqu'au Nouveau-Brunswick - en passant par le Québec.

Si Hydro-Québec et TransCanada ont signé cette entente indépendamment de leurs autres activités, ils ont peut-être échangé sur leur défi commun dans un tout autre secteur : celui de faire accepter une infrastructure de transmission d'énergie dans un territoire qui n'en bénéficiera pas beaucoup.

En effet, le projet Énergie Est de TransCanada vise à faire passer 1,1 million de barils de pétrole par jour au Québec, sans qu'il en ait vraiment besoin. Hydro-Québec, quant à elle, voudrait bien que le projet de 1000 MW de transmission à travers le New Hampshire, Northern Pass, puisse se concrétiser, même si très peu d'acheteurs d'électricité au New Hampshire en profiteraient : le marché visé se trouve plus au sud, au Massachusetts. Dans les deux cas, certaines personnes se posent la question : pourquoi devrait-on accepter qu'une infrastructure traverse notre territoire si nous n'en bénéficions pas ?

PLUSIEURS PRÉOCCUPATIONS

Des opposants sont fortement mobilisés contre ces projets, notamment autour des questions de sécurité. Dans le cas de Northern Pass, le principal reproche est cependant l'impact visuel de la ligne à haute tension. Un problème qu'Énergie Est n'a pas : enterré, l'impact esthétique sera inexistant. Par contre, on lui reproche d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES), puisqu'il transportera du pétrole issu des sables bitumineux, dont l'extraction est plus intense en GES que pour beaucoup d'autres types de pétrole.

Quel principe devrait guider le choix d'accepter ou non ce type de projet ? Le pur intérêt local ? Le développement économique ? Des principes environnementaux ?

Il faut évidemment répondre, dans la mesure du possible, à toutes les préoccupations avancées. Mais il faut aussi savoir reconnaître que nous vivons dans un monde de plus en plus interdépendant, et que les principes de réciprocité doivent s'appliquer : si nous voulons que nos produits puissent être exportés, il faut aussi que ceux des autres puissent l'être.

Cela implique que le simple passage de produits sur notre territoire ne devrait pas poser de problème, dans la mesure où ils circulent de manière sécuritaire, même si ces produits ne nous sont pas destinés.

Les oléoducs comme les lignes de transmission sont sécuritaires. Dans le cas contraire, il faudrait fermer les infrastructures existantes - une chose que personne ne semble demander. Pour les autres enjeux, les questions esthétiques et de GES globales, l'opposition aux projets est malheureusement vaine : tant que la demande énergétique sera là, des investisseurs voudront obtenir les marchés. Si un projet ne se fait pas à un endroit, il se fera ailleurs, avec les impacts reprochés survenant dans un autre endroit. On assiste alors à un jeu stérile de « pas dans ma cour » qui ne règle rien.

Hydro-Québec et TransCanada devraient peut-être s'entendre à nouveau, au-delà de Bécancour. Devant leur défi commun, ils pourraient se montrer solidaires, et signifier que c'est aux consommateurs et gouvernements de réduire la demande de produits énergétiques - pas aux entreprises de porter le blâme d'un approvisionnement qui tend à toujours se complexifier, pour répondre aux besoins des... consommateurs.

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