Quelques jours seulement après que les premiers ministres des provinces ont dévoilé la Stratégie canadienne de l'énergie, deux provinces ont illustré, en pratique, l'absence de portée de cette stratégie.

Un groupe de travail Ontario-Terre-Neuve-et-Labrador (T.-N.-L.) a en effet été créé pour étudier le projet hydroélectrique de Gull Island sur le fleuve Churchill... sans le Québec !

Pourtant, la stratégie reposait sur les principes de collaboration pour « repérer les opportunités de développer et de transporter l'énergie », par exemple de l'hydroélectricité venant de régions où il y a du potentiel d'exportation, vers les régions où la demande existe. Mais à moins de refaire la géographie canadienne, le Québec se trouve bel et bien entre l'Ontario et T.-N.-L... Imaginer aller du Bas-Churchill jusqu'à Toronto sans passer par le Québec relève de la pure fiction, surtout quand on sait à quel point construire des lignes de transport électrique est compliqué (et coûteux) en Nouvelle-Angleterre, la seule option.

Le concept d'une stratégie canadienne de l'énergie est pourtant essentiel et crucial pour le développement du pays. Bien sûr, il y a les questions liées au transport du pétrole : il serait plus efficace pour tout le monde de développer une vision commune pour en terminer avec les éternels débats sur les pipelines.

Il sera aussi nécessaire d'harmoniser les approches de réduction des gaz à effet de serre (GES), parce qu'il est contre-productif de créer différents types de contraintes, comme c'est le cas avec la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, les contraintes d'intensité d'émission en Alberta, le marché du carbone au Québec et bientôt en Ontario, et diverses réglementations sectorielles fédérales, mal intégrées entre elles.

Mais surtout, c'est le secteur de l'électricité qui offre les plus grands potentiels de gains pour toutes les provinces : autant pour celles qui pourraient plus exporter (et générer plus de profits) que pour celles qui pourraient plus importer (et réduire leurs coûts). L'avantage supplémentaire d'une approche plus ouverte en électricité, c'est qu'en plus de générer de la richesse, les émissions de GES diminueraient au Canada.

Les provinces où le prix de l'électricité est élevé sont en effet celles qui la produisent avec du charbon, du gaz naturel et du pétrole. En important de l'hydroélectricité, non seulement elles éviteraient des GES, mais aussi elles paieraient moins cher... tandis que les producteurs hydroélectriques vendraient plus cher que dans leur propre province - où les prix sont réglementés pour refléter les relativement faibles coûts de production.

Mais comme l'illustre pathétiquement ce groupe de travail Ontario-T.-N.-L., qui exclut le Québec (peut-être par sa propre volonté), il y a encore énormément de chemin à parcourir. Le Québec pourrait et devrait cependant faire preuve de leadership sur cette question, parce qu'il possède de nombreux atouts. Il est au centre de marchés en mutation : Ontario, État de New York, Nouvelle-Angleterre et provinces maritimes - qui ont tous des prix élevés et des contraintes croissantes sur les GES. Il a aussi d'énormes capacités de stockage d'énergie derrière ses barrages. Enfin, il a non seulement du potentiel de production d'énergie renouvelable, mais aussi un important potentiel d'efficacité énergétique en électricité.

Tendre la main à T.-N.-L., qui veut développer 3 000 MW de nouvelle hydroélectricité et avec qui nous avons un contentieux historique, ne serait qu'un geste permettant une collaboration régionale essentielle.

Cela permettrait de mieux valoriser nos actifs de plus de 40 000 MW d'énergie renouvelable, branchés sur des marchés potentiellement hautement lucratifs malgré les bas prix actuels de l'énergie sur les marchés. Nos voisins ont en effet soif de capacité et d'énergie propre. C'est ce que le Québec peut offrir - si une stratégie canadienne et régionale se met en place, dans laquelle il ne manque pas des éléments centraux.

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