Il y a deux hypothèses pour expliquer pourquoi on parle si peu d'énergie et d'environnement dans la présente campagne électorale: cela n'intéresse personne ou personne n'est en désaccord. S'il est tentant d'être pessimiste et de conclure que la population ne s'intéresse pas aux enjeux énergétiques et environnementaux, explorer la seconde hypothèse, celle du consensus qui rend le débat inutile, pourrait être intéressant.

Il existe en effet un consensus politique unique au Québec: la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% à 40% d'ici 2020. Cet objectif n'est remis en question par aucun parti. L'outil même par lequel cette réduction pourrait survenir, le marché du carbone, a bénéficié de votes unanimes à l'Assemblée nationale. Ailleurs sur Terre, des affrontements politiques majeurs ont lieu autour des questions de taxe sur le carbone ou de marché du carbone: Colombie-Britannique, États-Unis, Australie... même en Europe, les débats sont vifs, pour le moins. Premier consensus, donc.

Sur la question électrique, aucun parti politique ne propose de changer quoi que ce soit d'important à notre marché de l'électricité: rôle d'Hydro-Québec, tarif d'électricité, producteurs privés... il y a là un second consensus. Pour le pétrole, à part Québec solidaire, qui n'a recueilli que 6% des votes aux élections de 2012, les trois autres principaux partis voient d'un bon oeil la production de pétrole au Québec, les pipelines et les raffineries. C'est donc un troisième quasi-consensus.

Les péquistes au pouvoir ont aussi reconduit plusieurs initiatives du gouvernement libéral: le projet d'électrification des transports n'a pas changé entre Charest et Marois. L'objectif de ne plus enfouir de matières organiques d'ici 2020 est resté identique: tous les restes de table devront aller au compostage ou vers la biométhanisation d'ici 6 ans. Les consensus s'accumulent.

Obstacles et déceptions

Si ces convergences sont autant de bonnes nouvelles, il se cache derrière cette approbation générale de grands obstacles et d'amères déceptions à venir. Jusqu'à maintenant, nos habitudes de vie n'ont pas été affectées par ces consensus. Les bonnes résolutions sur lesquelles tout le monde s'entend doivent être accomplies en 2020 ou plus tard, soit bien au-delà de l'horizon politique et médiatique. Tous les regards étant rivés sur le lendemain, quand ce n'est pas la veille, les objectifs lointains tombent en oubli.

Le problème, c'est que pendant qu'on oublie les objectifs, des changements s'opèrent: une tarification du carbone entre en place le 1er janvier prochain, des usines de compostage et de biométhanisation se construisent, des bornes de recharge de véhicules électriques sont installées un peu partout au Québec... sans que nos habitudes de consommation énergétique n'évoluent, ni les systèmes énergétiques.

Inévitablement, un jour, nos habitudes vont se heurter à l'atteinte des objectifs consensuels. On va questionner le fait de payer pour émettre des GES, on va résister à installer dans notre cuisine un bac à compostage, après celui du recyclage et la poubelle, on va se demander pourquoi le biométhane ne peut pas être utilisé dans le réseau de Gaz Métro, on va rire de ces bornes de recharge qui n'auront que si peu servi avant d'être complètement désuètes ou inutiles... et nous allons continuer d'être les plus gros consommateurs d'électricité sur Terre. Bref, les consensus actuels n'auront pas été d'une grande utilité.

Un vrai débat politique sur les enjeux énergétiques et environnementaux porterait sur la manière d'accompagner les citoyens dans l'évolution de leurs habitudes. Un parti visionnaire et responsable proposerait des avenues crédibles pour atteindre les objectifs consensuels, en collaboration avec les citoyens et les entreprises du secteur. Malheureusement, ce parti-là, il ne s'est pas encore fait connaître.

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