La Commission sur les enjeux énergétiques du Québec a déposé lundi le fruit de ses réflexions sur l'avenir énergétique du Québec. En principe, ce document de 310 pages devrait instruire le gouvernement du Québec sur les orientations à donner à la nouvelle politique énergétique québécoise.

En pratique, malheureusement, le gouvernement a déjà pris tellement de décisions en ce qui concerne l'électrification, le nucléaire, l'éolien, la mobilité durable, le marché du carbone, le pétrole et les gaz de schistes... qu'on voit mal quelle oreille sera attentive aux 200 recommandations qui sont faites.

Pourtant, au-delà de cette pléthore de recommandations, les enjeux fondamentaux sont soulevés avec brio: la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) à travers une meilleure maîtrise de l'énergie, en changeant radicalement notre approche à l'aménagement du territoire, au bâtiment et en transport.

Si seulement le gouvernement pouvait suivre la moitié des recommandations faites dans ces secteurs, le Québec ferait d'énormes progrès dans la voie d'une économie verte, plus prospère et moins polluante.

Les propositions des deux co-présidents de la Commission, Roger Lanoue et Normand Mousseau, tournent autour de constats qui ne sont pas nouveaux, mais qui ont rarement été réunis dans un tout aussi complet et cohérent.

D'abord, il faut revoir la fiscalité municipale qui encourage l'étalement urbain, parce que les coûts de ce type d'aménagement du territoire sont loin d'être assumés par ceux qui vivent de plus en plus loin des centres urbains historiques. Un meilleur signal de prix doit être envoyé aux ménages qui font des choix de logement, et le gouvernement doit aider à développer des axes d'aménagement où tous les services sont accessibles sans devoir utiliser une voiture.

Ensuite, la performance des bâtiments québécois doit être grandement améliorée, par une série de mesures réglementaires (code du bâtiment) et d'innovations dans le financement et l'information portant sur l'efficacité énergétique.

Enfin, en transport, le premier objectif doit être de réduire la distance parcourue par les véhicules, pour réduire la consommation de pétrole et les émissions de GES. Cela ne doit évidemment pas se faire au détriment de la mobilité des personnes, mais en développant des alternatives: transport en commun, transport actif, covoiturage et auto-partage. Pour le transport des marchandises, les coûts de l'utilisation des routes doivent être davantage assumés par les camions - et ceux-ci devraient davantage se convertir au gaz naturel, moins cher et moins polluant.

Si ces recommandations peuvent sembler périphériques au secteur de l'énergie, traditionnellement vu comme étant l'électricité, le pétrole, le gaz naturel et le bois, elles sont en fait en son coeur. Ce sont en effet ces trois secteurs interreliés (aménagement du territoire, bâtiment, transport) qui conditionnent notre consommation d'énergie.

Pour s'assurer d'une bonne maîtrise du secteur, et ne pas devoir produire et s'approvisionner de manière insoutenable, il faut que ces trois éléments-là soient solidement réfléchis et mis en oeuvre. Ensuite, la production d'électricité viendra alimenter les foyers et les entreprises, des carburants viendront nous déplacer et des sources de chaleur tempérer nos hivers et faire fonctionner nos industries.

L'urgence d'agir, pour libérer le Québec du poids économique et écologique que sa gestion actuelle du secteur de l'énergie lui impose, se fera-t-elle entendre? Souhaitons que oui, ardemment. Mais tout comme dans les urgences encombrées de nos hôpitaux, les bons tris ne sont pas toujours faits. Les dossiers sensationnels vont fort probablement passer devant, en hâte. Et nos maladies chroniques, l'aménagement du territoire, le bâtiment et le transport, resteront sans doute encore en attente.

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