Les vagues de froid qui ont frappé le Nord-Est américain en ce début d'année précipitent une tendance déjà engagée: celle de la remontée du prix du gaz naturel. D'un creux sous les 2$ par million de BTU en avril 2012, le prix de référence du gaz naturel est passé au-dessus de 5$ cette semaine, une première depuis juin 2010.

Cette petite flambée des prix est liée à la forte demande en chauffage aux États-Unis, très dépendante du gaz naturel. Mais comme l'utilisation du gaz naturel est en croissance dans la production d'électricité, l'augmentation de son prix s'est amplement répercutée sur celui de l'électricité, notamment en Nouvelle-Angleterre et à New York. Ainsi, pour ce mois de janvier, Hydro-Québec a pu exporter à prix moyen de 15,8¢/kWh en Nouvelle-Angleterre et de 8¢/kWh à New York (alors qu'il était en moyenne de 4¢/kWh en 2012).

Il va sans dire que les lignes d'exportation sont utilisées à plein régime en ce moment. Pour les 27 premiers jours de janvier, seulement pour la Nouvelle-Angleterre, des revenus d'exportation de l'ordre de 130 millions ont été générés par Hydro-Québec. Pendant ce temps, les Québécois ont acheté leur électricité à 3¢/kWh (avant les frais de transmission et distribution d'environ 4¢/kWh, pour un prix final avoisinant 7¢/kWh).

Est-ce seulement un soubresaut du prix du gaz, ou celui-ci va-t-il se maintenir et même monter?

Tendance à la hausse

Malgré l'abondance des gaz des schistes, plusieurs raisons laissent croire que la tendance est plus à la hausse qu'à la baisse. Et par conséquent, le prix auquel Hydro-Québec pourra exporter son électricité augmentera aussi.

En premier lieu, le secteur de l'électricité américain se tourne résolument vers le gaz naturel, au détriment du charbon, du pétrole et du nucléaire. Entre 2000 et 2012, la part du gaz naturel est passée de 15 à 52% de la production électrique en Nouvelle-Angleterre.

En 2014, l'unique centrale nucléaire du Vermont va fermer, alors qu'elle est la plus grande centrale électrique de cet État. Son absence va demander un plus grand approvisionnement de la part des centrales au gaz naturel - à moins que le Québec ne puisse exporter davantage au Vermont. Même tendance à New York: la part du gaz en électricité est passée de 29 à 45% entre 2000 et 2012.

Ces deux régions voisines, aux sensibilités environnementales plus prononcées que dans la majorité des États américains, ne reviendront pas au pétrole, charbon ou nucléaire pour leur électricité. Avec cette demande croissante de gaz naturel, observée aussi en transport et dans l'industrie, son prix sera poussé vers le haut.

En second lieu, le gaz naturel à bon marché repose sur une croissance effrénée de la production de gaz de schiste, dans un contexte de marché coupé du reste du monde: le gaz naturel ne voyage pas en mer, sauf quand il est liquéfié, ce qui n'est pas possible pour l'instant, faute d'infrastructure. Encore une fois, cette situation va changer. D'abord, les problématiques environnementales et sociales liées à la fracturation hydraulique font augmenter les coûts de production du gaz de schiste (standards plus élevés de gestion de l'eau, de gestion des puits et d'acceptabilité sociale).

Ensuite, près de 30 projets d'exportation de gaz naturel liquéfié sont en évaluation en Amérique du Nord, tant sur les côtes ouest et est que dans le golfe du Mexique. Cela va désenclaver, au moins en partie, la production de gaz naturel, et faire tendre le prix vers les prix mondiaux, souvent au-dessus des 10$.

Dans ce contexte, les exportations d'Hydro-Québec ont donc, à nouveau, de beaux jours devant elles. C'est une excellente nouvelle pour le Québec. Cela relancera cependant un autre débat: est-ce bien la meilleure manière de gérer notre patrimoine hydroélectrique que de se le vendre à nous même moins cher qu'aux autres? Indice: Connaissez-vous beaucoup de producteurs d'énergie qui font cela?

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