La timide sortie de récession de la zone euro (+0,3% au dernier trimestre) arrive à point. Les dirigeants du G20, réunis dans les ors du palais Constantin, en banlieue de Saint-Pétersbourg, jeudi et vendredi, pourront hisser les couleurs de l'optimisme et discourir avec sincérité des mérites de la relance.

Mais la reprise est fragile, les déficits demeurent incompressibles, alors que les dettes ne cessent d'augmenter. Les coupes et les mesures de restriction budgétaire ont dépassé le seuil politique de l'intolérable, il ne reste qu'une solution: augmenter les revenus. Comme il n'est plus possible de hausser les impôts, la seule avenue encore ouverte consiste à sanctionner l'évasion fiscale où se cacheraient les milliards manquants. La chasse aux fraudeurs est lancée. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a proposé son plan d'action aux membres du G20.

La mondialisation est responsable de l'érosion de la base d'imposition: les achats transfrontaliers, le commerce en ligne, la mobilité de la main-d'oeuvre, la multiplication des paradis fiscaux, les nouveaux instruments financiers, les prix de transfert dans le commerce intra-firme et l'usage généralisé des cartes de crédit sont autant de moyens qui permettent aux multinationales, et accessoirement à quelques individus, de réduire leurs impôts. Le manque à gagner est important.

Ainsi, le gouvernement français estime que les petits millions versés par les géants de l'informatique, tous américains (Amazon, Apple, Google, Microsoft), 36 millions d'euros en 2011, sont sans commune mesure avec un chiffre d'affaires estimé à plusieurs milliards d'euros.

Les pratiques mises en cause ne sont pas illégales; elles relèvent de la capacité des grandes firmes à délocaliser les revenus, bénéfices et actifs intangibles, comme les brevets, dans les pays où la législation fiscale est la plus avantageuse. Pensons à l'Irlande, au Luxembourg ou encore à l'État du Nevada. Ainsi, les conventions fiscales destinées à éviter la double imposition sont souvent transformées, grâce à une comptabilité créative, en double exemption.

Au sommet du G8 en juin, à l'initiative de la Grande-Bretagne, il a été question des paradis fiscaux et de la coopération internationale indispensable pour sanctionner l'évasion fiscale. Dans son rapport de juillet, l'OCDE propose l'adoption de procédures automatiques d'échanges d'informations. La logique veut que documenter les pratiques d'évitement des entreprises mène à un alignement des règles d'imposition entre les juridictions.

La transparence est louable, mais ne changera rien au fait que les États sont fondamentalement en concurrence. Les régimes fiscaux nationaux sont conçus pour attirer les investissements et l'activité économique. Martin Wolf (Foreign Affairs, janvier 2001) présente les facteurs qui contribuent à accentuer la concurrence fiscale des États. Les bas coûts de transaction (internet) et des transports favorisent la mobilité et donc accroissent la concurrence entre régimes fiscaux. C'est pourquoi les entreprises se délocalisent et que nous allons magasiner à Plattsburgh.

La volonté de diminuer la concurrence entre régimes fiscaux revient à créer un cartel des taxes réunissant les pays développés d'où opèrent les multinationales. Puisque les pays où les taxes sont faibles sont dénoncés comme des «paradis», on doit s'attendre à ce que l'alignement souhaité revienne à généraliser «l'enfer».

Malgré les réticences des États-Unis, le plan de l'OCDE sera adopté et appliqué, les abus seront sanctionnés pour l'exemple, sans grands bénéfices pour les finances publiques. Mais l'avantage compétitif que des pays retirent d'une fiscalité accommodante fera échec aux volontés d'alignement.

Pour convaincre les citoyens et les entreprises de payer leurs impôts, les gouvernements n'auront alors d'autre choix que d'assurer des services de qualité au meilleur prix.

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