Ainsi, François Hollande est en «pôle position» à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, et le second devrait être pour lui une formalité, ou presque, tant les résultats et les sondages pour le 6 mai, unanimes, sont à son avantage.

Viendront ensuite la préparation délicate des élections législatives, et les dosages subtils que requièrent la formation d'un gouvernement et la composition des équipes ministérielles - ici, les calculs et les supputations vont bon train.

Les commentateurs parlent d'une campagne frustrante, ennuyeuse, où les Français n'auraient pas trouvé les réponses à leurs attentes, mais préfèrent un président «normal», comme l'a dit de lui-même François Hollande, à un président suractif.

Il est vrai que Nicolas Sarkozy n'a pas su trouver le bon positionnement: pour assécher à son profit le Front national, il s'est coupé d'une partie de son électorat de la droite classique et du centre, et quand il a voulu rectifier le tir, il a contribué à relancer Marine Le Pen, dont le score est impressionnant.

Sur la fin de sa campagne, il a semblé se dérégler, accumulant les contre-vérités et les volte-face. Son échec est personnel, politique, et moral; sa droitisation sur l'immigration, les Roms, l'islam, l'identité nationale, et par ailleurs tout ce qui a pu témoigner au cours de son mandat d'un rapport peu ragoutant à l'argent et au pouvoir ont finalement été pris en compte par les électeurs.

Les deux familles traditionnelles de la gauche peuvent quantifier leur audience. L'une, avec Jean-Luc Mélenchon, radicale, révolutionnaire, héritière du communisme si puissant il y a à peine plus d'un quart de siècle, et que l'on pouvait croire en voie de disparition, revient de loin, sans pour autant atteindre le score mirifique dont elle s'était prise à rêver; l'autre, européenne et raisonnable, est incarnée par François Hollande. L'électorat de François Bayrou, bien affaibli, devrait se disperser au deuxième tour.

En dehors du grondement sourd qu'ont signifié les scores des populistes de gauche (Mélenchon) et de droite (Le Pen), la société, durant ces longs mois, a été silencieuse. En 2007, Nicolas Hulot avait obligé les candidats à placer l'environnement au coeur de leurs projets, Eva Joly a sombré, et avec elle l'écologie politique; les SDF des enfants de Don Quichotte avaient imposé la question du logement, et la thématique de la démocratie participative avait fait son chemin grâce à Ségolène Royal. Cette fois-ci, ni les associations, ni même les syndicats n'ont joué un rôle, et rien de bien exaltant n'a rythmé la campagne. Les intellectuels, à de rares exceptions, se sont tus.

La campagne a été le monopole des politiques, des instituts de sondage, des médias et des experts. La société a mis fin à l'ère Sarkozy, sans pour autant se donner à entendre.

Ainsi, les Français, quelque peu résignés, plutôt que de se mobiliser socialement ou culturellement, semblent faire confiance au processus politique pour sortir le pays de la crise - ce n'est pas en France que l'on trouve des mouvements d' «indignés». Mais ils ne veulent plus d'un pouvoir concentré aussi nettement dans les mains du seul chef de l'État, ni d'une action qui court-circuite ou affaiblit toutes les médiations entre le peuple et l'Elysée. Tel est le message.

Comment la société va-t-elle ensuite se comporter?

Si l'échec de Nicolas Sarkozy est confirmé le 6 mai, François Hollande ne pourra pas se contenter de gérer un capital de confiance acquis au terme d'une campagne où il a montré ses qualités de tacticien habile et prudent ayant compris, mieux que tout autre, ce dont les Français ne veulent plus. Le passage de la conquête du pouvoir à son exercice ne sera pas un long fleuve tranquille.

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