En moins de 24 mois, la chaise de ministre de l'Éducation aura changé quatre fois de propriétaire. Pas de doute, ces élus auront à peine eu le temps de défaire leurs boîtes et de s'habituer au mobilier qu'un nouvel avis d'éviction était signifié.

Depuis l'élection de 2014, les élèves québécois ont donc vécu trois rentrées scolaires sous la gouverne de trois ministres différents et ils ont traversé de pénibles mois d'austérité, dont certains peineront à se relever, tant les services dont ils ont besoin ont été charcutés.

Ceci dit, je partage l'enthousiasme général exprimé à l'annonce des plus récents chantiers du nouveau ministre Sébastien Proulx. Ces vastes projets ramènent l'emphase sur l'humain plutôt que sur le matériel, en évacuant la réforme des commissions scolaires et le processus électoral qui les chapeaute. Ce n'est toutefois que partie remise puisqu'il faudra bien, tôt ou tard, faire ce débat et mettre au défi la pertinence des structures bureaucratiques actuelles.

Reste que la véritable urgence est ailleurs, sur le terrain, où les lendemains de l'austérité sont parfois douloureux et où les besoins sont criants.

Vivement le réinvestissement annoncé, tout en se gardant de croire que c'est Noël, car ce que la main gauche a enlevé au nom de l'austérité, la main droite pourrait hésiter à le redonner.

Sans compter qu'il existe également un dossier plus délicat qui mettra incontestablement à l'épreuve la détermination et la force de caractère du ministre Proulx. Il sera en effet fort intéressant de voir comment il abordera la situation des écoles juives illégales, véritable patate chaude avec laquelle ses prédécesseurs ont jonglé sans succès. Les agissements de ces écoles ne sont rien de moins qu'une succession d'infractions sur lesquelles le gouvernement ferme les yeux, au nom d'une impuissance qui perdure depuis trop longtemps.

Pas plus tard qu'à la fin avril, on apprenait encore que le ministère de l'Éducation avait discrètement renouvelé le financement d'une école dérogeant aux exigences minimales du Régime pédagogique, en dépit d'un nouvel avis défavorable de la Commission consultative de l'enseignement privé (CCEP).

En 2009, l'école Yeshiva Gedola Merkaz Hatorah avait pourtant promis à la ministre Michelle Courchesne d'apporter les correctifs nécessaires afin d'être conforme aux exigences gouvernementales. En février 2015, la CCEP a toutefois suggéré au ministre de retirer le permis à cette école, avis dont le ministère de l'Éducation a fait fi en donnant sa bénédiction à l'institution afin qu'elle poursuive ses activités.

Cette école n'est pas la seule délinquante alors qu'au moins quatre autres établissements sont également en infraction.

Les partis de l'opposition accusent le ministre Proulx de se traîner les pieds dans ce dossier, pendant qu'au ministère de l'Éducation, on pratique l'aveuglement volontaire en niant qu'il y ait des écoles illégales sur le territoire québécois.

TRIBUNAUX

Or, on le sait, l'inertie aboutit invariablement devant les tribunaux. Si le gouvernement a été échaudé en 2011 en voyant sa demande d'injonction contre l'Académie Yeshiva Toras Moshe rejetée, l'issue pourrait être différente cette fois puisque le plus récent recours a été intenté par Yochonon Lowen et Clara Wasserstein, qui demandent à la Cour de déclarer que Québec et la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, en tolérant que les enfants de la communauté Tash fréquentent des écoles illégales, contreviennent à leurs obligations en vertu de la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur l'enseignement privé, la Charte de la langue française et la Charte des droits et libertés. Ce recours, devenu inévitable, est fort gênant pour le gouvernement.

Les grands projets du ministre Proulx sont certes ambitieux, flamboyants et porteurs d'espoir pour le Québec. La question des écoles illégales reste toutefois une vilaine épine dans le pied du ministre qui, si elle n'est pas retirée, gênera sa démarche, comme un éternel boulet à la cheville. Ce dossier, tout aussi délicat, sensible et complexe soit-il, représente l'occasion rêvée pour le ministre Proulx de prendre le taureau par les cornes, d'asseoir son autorité et d'envoyer le message fort qu'il est aux commandes de son ministère. Alors, peut-être, tout deviendra possible sur la planète Éducation.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion