Parmi les publicités les plus percutantes diffusées au cours des dernières années, il y a assurément celles de la CSST, qui évoquent les conséquences dramatiques d'accidents de travail tragiques. Ces images sont troublantes, bouleversantes et représentent d'efficaces outils de sensibilisation.

Il ne faudrait toutefois pas oublier qu'il existe également des maladies professionnelles plus discrètes, moins saisissantes, mais tout aussi souffrantes et handicapantes qu'un bras arraché ou une jambe tranchée. Il faut surtout rappeler que les employeurs, tous les employeurs, petits et grands, publics et privés, ont une obligation positive de fournir à leurs employés un environnement de travail sain, sécuritaire et exempt de danger.

C'est dans ce contexte que le formulaire d'embauche de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) ayant récemment circulé fait sourciller. Ce document dense et élaboré que doit remplir toute personne qui espère décrocher un emploi à la CSDM questionne les candidats sur leurs antécédents médicaux reliés notamment à la qualité de l'air intérieur ou relatifs aux moisissures et aux problèmes cutanés.

D'emblée, on perçoit à travers ce formulaire une forme d'abdication de la part de la CSDM devant le problème de moisissures de ses écoles, qui fait les manchettes depuis plusieurs années et que les autorités peinent à gérer.

D'une certaine façon, la CSDM annonce aux candidats que non seulement elle n'est pas en mesure de leur fournir un environnement de travail sain et sécuritaire, mais au surplus elle veut éviter que ne leur vienne la mauvaise idée de devenir malade à cause des moisissures qui pourrissent à l'intérieur des murs de ses établissements.

Évidemment, cette affaire vient aussi chatouiller, à juste titre, certains droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne, qui prévoit qu'un employeur ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue, requérir d'une personne des renseignements portant sur des motifs de discrimination, dont le handicap, notion qui englobe l'état de santé d'un candidat. Toute question à ce sujet constitue donc, à première vue, une pratique discriminatoire. Cependant, l'article 20 de la Charte permet une certaine exclusion ou préférence de la part de l'employeur et prévoit que celle-ci est réputée non discriminatoire si elle est fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi.

En octobre 2012, la Cour d'appel du Québec a rendu une décision de principe sur le sujet de l'exigence professionnelle justifiée, précisant qu'il faut examiner les critères objectifs de l'emploi. En d'autres termes, le droit de l'employeur d'obtenir des informations médicales du candidat doit être modulé en fonction de l'emploi convoité.

Est-ce donc dire que la présence des moisissures dans certains établissements de la CSDM est devenue à ce point inévitable et incontrôlable qu'il devient nécessaire et pertinent de s'assurer que les individus y travaillant n'ont pas d'antécédents médicaux relatifs à celles-ci, sachant par ailleurs que ces dernières représentent un réel problème de santé publique, susceptible de rendre malade quiconque y étant exposé de façon régulière ? J'estime qu'il s'agit là d'un raisonnement fallacieux de la part de la CSDM, qui louvoie entre les obstacles et qui essaie d'éviter, bien maladroitement, qu'au prix des travaux de réparation, ne s'ajoutent des coûts reliés à des congés de maladie.

Il n'est par ailleurs ici question que des droits et obligations inhérents au lien d'emploi qui unit la CSDM à ses professionnels. Mais comme le faisait remarquer le porte-parole de la CAQ en matière d'éducation, Jean-François Roberge, la CSDM fait aussi abstraction d'un autre enjeu fondamental, soit la santé des enfants qui fréquentent ses établissements où pullulent les moisissures. Il semble malheureusement évident que personne ne sortira gagnant de ce navrant exercice de louvoiement.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion