La religion qui juge, condamne et ordonne, celle qui prétend pouvoir distinguer le bien du mal et détenir la vérité absolue, m'a toujours donné de l'urticaire. Je ne nie pas que la foi, religieuse ou pas, puisse être réconfortante, salutaire et salvatrice pour l'humain, mais je suis convaincue qu'elle relève de la sphère privée et doit se faire discrète.

La liberté de religion fait évidemment partie des droits fondamentaux que nous avons choisi d'inclure dans la Charte canadienne des droits et libertés. Un geste sans contredit important, pour le meilleur et pour le pire, et dont la portée était sans doute insoupçonnée au moment où il a été posé. Le meilleur se fait bien timide par les temps qui courent, pendant que le pire fait fréquemment les manchettes. J'aurais pu parler du niqab, mais je n'ai surtout pas envie de faire une fleur aux conservateurs en revisitant ce que plusieurs ont qualifié, à juste titre, « d'arme de distraction massive ».

En revanche, je constate que la religion ne se gêne pas pour se mêler, que dis-je, pour faire reculer certains débats sociaux. Il suffit de penser à ce qui se passe en Ontario, où l'école Thorncliffe Park, située dans un quartier reconnu pour abriter une grande population musulmane, s'est littéralement vidée dans un mouvement de protestation à l'égard du nouveau programme d'éducation sexuelle en milieu scolaire, auquel s'opposent les parents pour des motifs religieux. Le Québec n'est pas en reste, avec l'Association des parents catholiques du Québec (APCQ), qui a formulé des menaces semblables.

Je reconnais à ces gens le droit de retirer leurs enfants d'un cours qui interfère avec leurs convictions, tout en soulignant que lorsque leurs petits anges s'extraient de la bulle familiale aseptisée aux effluves religieux, ils sont exposés aux mêmes réalités que les petits diables de leur âge. L'idée derrière ce programme n'est pas d'abdiquer nos responsabilités parentales à l'égard de l'éducation sexuelle, mais bien de permettre à l'école et aux parents de travailler en équipe afin de fournir des informations exactes, transmettre des messages clairs et éducatifs, faire de la prévention et rajuster le tir quant aux images, mythes et fictions dont les enfants sont bombardés.

La religion devrait se garder une petite gêne puisqu'en matière de sexualité humaine, l'histoire révèle qu'elle fait plutôt office de piètre modèle et conseillère.

Que dire maintenant de la récente sortie de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), qui demande aux candidats aux élections fédérales de se prononcer sur l'aide médicale à mourir et réclame un « vrai » débat sur cette question ? Rappelons que d'exhaustives consultations publiques ont été tenues, qu'une loi a été votée et adoptée et que la Cour suprême s'est prononcée.

Est-ce qu'on peut maintenant, s'il vous plaît, avancer et arrêter de faire deux pas en arrière après en avoir fait un, lentement et péniblement, en avant ? Rassurons les récalcitrants : les paramètres de la loi sont stricts, il n'y aura pas de tordage de bras, pas plus, comme le craint le cardinal Lacroix, qu'on ne se débarrassera à coups de seringues venimeuses de toute une génération qui coûte une fortune en soins de santé. Eh oui ! il est possible de continuer à développer et investir dans les soins palliatifs tout en encadrant l'aide médicale à mourir.

Les groupes religieux, quels qu'ils soient, font souvent preuve de résistance devant les enjeux sociaux qui bousculent traditions et idées reçues, mais qui sont néanmoins indissociables de l'évolution de notre société. Ces groupes auraient avantage à user de retenue et de discrétion en évitant les prises de position publiques catégoriques et tranchées qui nous font collectivement stagner, voire reculer.

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