Depuis quelques semaines, le dossier Bertrand Charest, cet entraîneur de ski alpin accusé d'agression sexuelle alors qu'il était en position d'autorité, entre 1990 et 1998, fait grand bruit.

Aussi choquante que soit cette affaire, elle ne fait pas cavalier seul dans sa catégorie et nous rappelle d'autres scandales de semblable nature impliquant des entraîneurs de judo, de patinage artistique, de soccer et de hockey. Le problème des agressions et des actes de violence commis par des entraîneurs est par ailleurs rapporté dans la plupart des pays où des programmes de sport d'élite sont en place.

La semaine dernière, La Presse+ faisait état de toute la complexité qui teinte la relation entre un athlète et son entraîneur et des dérapages que cette proximité est susceptible de provoquer. Derrière une sincère admiration de l'athlète envers son entraîneur et un intense sentiment d'appartenance et de dépendance, il existe fréquemment une réelle emprise de ce dernier sur son protégé.

Au-delà de ce lien unique et difficilement déchiffrable, une question troublante et délicate émerge: comment expliquer le silence des parents et autres adultes en autorité devant les soupçons d'un comportement abusif de la part d'un entraîneur? Sans vouloir absoudre les parents, je doute, vu l'ambiguïté de la relation qui le lie à son entraîneur, qu'un athlète rapporte ouvertement et spontanément un acte d'agression à ses parents. La réalité ressemble sans doute plus à de subtils changements d'attitude, à une humeur plus sombre et taciturne et à une propension à l'isolement, que des parents bien intentionnés attribueront à la fatigue, à l'intensité des entraînements, au défi de la conciliation sport-études ou au décalage horaire, alors que leur enfant n'est souvent que de passage entre les entraînements et compétitions.

Comme l'affaire Jian Ghomeshi

Il subsiste néanmoins une triste réalité, celle d'une forme de confiance aveugle, voire d'aveuglement volontaire, nourrie par des motivations bien différentes, selon que l'on soit un parent ou un dirigeant d'une fédération sportive. Un certain parallèle se dessine même avec l'affaire Ghomeshi où les victimes, au même titre que certains athlètes ou parents d'athlètes, n'ont pas dénoncé les agressions par peur de représailles, comme la perte d'emploi pour les premières ou l'exclusion de l'équipe sportive pour les deuxièmes.

Pour les autorités de la CBC, la décision d'ignorer les rumeurs entourant les agissements de Ghomeshi était plutôt motivée par la crainte de perdre les impressionnantes cotes d'écoute que lui garantissait son animateur vedette ainsi que son précaire financement culturel. De façon aussi peu reluisante, Canada Alpin aurait dissuadé des parents de porter plainte contre Bertrand Charest en invoquant l'intérêt de la carrière sportive de leur fille, alors que les dirigeants étaient certainement terrorisés devant la perspective d'un scandale sexuel et de ses conséquences potentielles sur les précieuses subventions consenties à leur organisme.

Enfin, il y a derrière ces malheureux événements la révélation d'un trait profondément malsain de notre société: la poursuite, à tout prix, de la gloire, du succès et de la célébrité. Au chapitre sportif, on semble disposé à fermer les yeux, au nom de la performance, de l'attrait du sport professionnel et du rêve olympique, sur des comportements qui seraient autrement qualifiés de révoltants. Comme si une médaille olympique ou une carrière dans le sport professionnel pouvait parvenir à effacer l'humiliation associée à la violence physique ou verbale, à l'intimidation ou, pire, à une agression sexuelle.

Bien que les campagnes de prévention et les codes d'éthique se multiplient depuis quelques années, l'actualité nous confirme que les bas instincts et les intérêts corporatifs restent tenaces. C'est donc ici que nous devons assumer nos responsabilités parentales les plus fondamentales, en ne permettant pas que l'intégrité et la dignité de nos enfants deviennent des valeurs négociables et en nous rappelant de ne jamais taire l'inacceptable et de toujours garder les yeux grands ouverts.

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