Entre l'impeccable image de Mickey Mouse, maintenant associée à une éclosion de rougeole, et les bourdes de certains politiciens républicains, l'actuelle épidémie de rougeole qui sévit chez nos voisins du sud prend des allures de saga hollywoodienne, à la hauteur du légendaire sens du spectacle des Américains.

Bien que la situation ne soit pas aussi alarmante de notre côté de la frontière, il n'en demeure pas moins que quatre cas de rougeole ont été confirmés à Toronto, et 10 dans Lanaudière. Rappelons qu'il s'agit ici d'une maladie prétendument éliminée des Amériques depuis 2000 même si, en 2011, le Québec a lui aussi connu une épidémie.

Je suis de ceux pour qui le refus de la vaccination est une aberration. Les données scientifiques parlent d'elles-mêmes et il n'existe aucune raison objective et raisonnable de discréditer cet outil de prévention. Comment, alors, expliquer la ténacité des mythes qui le rongent? Assurément par les croyances qui animent ceux qui s'y opposent et qui sont solidement enracinées dans un système d'appartenance et d'identification qui repose exclusivement sur les émotions, où la raison n'a pas droit de parole.

D'ailleurs, Brendan Nyhan, professeur américain de sciences politiques, a publié, en avril 2014, une étude dans laquelle il démontrait que l'attitude des parents à l'égard de la vaccination, qu'elle soit favorable ou pas, ne variait pas d'un poil, même après qu'ils aient été exposés aux données scientifiques objectives, à la liste des dangers que permet d'éviter la vaccination et à des photos d'enfants ayant frôlé la mort en raison de la rougeole.

C'est donc dire que l'étude frauduleuse du Dr Wakefield associant vaccins et autisme, les rumeurs liant le vaccin de l'hépatite B à la sclérose en plaques et les doutes entourant les adjuvants utilisés dans le vaccin contre la grippe H1N1 ont semé une terreur qui s'est propagée à la vitesse d'une épidémie, avant de s'incruster dans les esprits et croyances de certains sous la forme de mythes et de théories du complot.

Les compagnies pharmaceutiques sont certes des entreprises à but lucratif dont les activités sont motivées, notamment, par des intérêts corporatifs et économiques. Mais de là à conclure au complot, où pharmaceutiques, scientifiques, médecins et gouvernements seraient de connivence, il y a un pas à ne pas franchir, alors que l'immunisation constitue une des interventions médicales les plus étudiées et vérifiées où sont recensées quantité d'informations quant à sa sécurité, son efficacité, son fonctionnement et son impact.

L'éducation, la solution

Des solutions devant la ténacité des mythes et croyances? La coercition n'est pas une option; elle ne ferait qu'accroître l'hostilité à l'égard de la vaccination. L'éducation, notamment une solide formation en biologie et sciences exactes, peut contribuer à mieux comprendre les notions d'épidémiologie à la base de la vaccination. Les autorités gouvernementales ont également intérêt à agir avec transparence et indépendance dans leurs relations avec les compagnies pharmaceutiques ainsi qu'en matière de politiques de santé publique.

Et puis, nous aurions avantage à nous rappeler qu'au-delà des mythes, les vaccins nous protègent contre des maladies graves et potentiellement mortelles. L'an dernier, dans un bouleversant papier, la chroniqueuse Mylène Moisan a raconté comment le banal virus de la grippe avait menacé la vie de son fils, par ailleurs en bonne santé. («Ça arrive juste aux autres», La Presse+, 19 janvier 2014). Son récit touchant a eu un effet puissant sur papa lion, qui n'a plus jamais grommelé devant ma décision de faire vacciner la tribu chaque année.

Enfin, en cette époque où l'autodétermination et l'exercice des libertés individuelles passent bien avant la considération des conséquences de nos décisions sur la société, peut-être pourrions-nous adopter une vision collective, tendre l'épaule, fermer les yeux et inspirer profondément...

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