La saison estivale a permis aux amateurs de jardinage de voir pousser tomates, concombres, fines herbes et autres délicieux produits de la terre. Dans certains voisinages, dont le mien, d'étonnantes structures ont également émergé de terre en cette période de récolte. Dans le langage bureaucratique scolaire, on les appelle des «modules d'enseignement». Dans mon quartier, où elles ont littéralement amputé les cours de deux écoles primaires, on les appelle simplement «roulottes» et sur le terrain, parmi les enseignants qui m'entourent, on parle carrément de cages à poules.

On apprenait récemment que des écoles espérées pour l'an prochain ne pourront être bâties à temps et que la construction ou la location de modules pallierait la situation. Les roulottes sont donc devenues une solution attrayante, temporaire ou permanente, pour contourner les problèmes de surpopulation des écoles. Il s'agirait presque de la meilleure invention depuis le pain tranché, si on en croit les propos de Pierre Vocino, directeur de l'organisation scolaire et du transport à la Commission scolaire Marie-Victorin, qui ressemblent étrangement à une infopublicité sur la chaîne immobilière: «Les modules sont confortables, climatisés et reliés par des corridors au bâtiment principal» (La Presse, 15 août)».

Parlons-en du bâtiment principal, dont les locaux et infrastructures ont été conçus pour accueillir et servir un nombre maximal d'étudiants et d'enseignants. Il existe une limite logique à étirer à outrance la capacité d'accueil des locaux à vocation spécialisée (musique, arts plastiques, bibliothèque), de la salle de repos des enseignants, des toilettes, dont le maintien de la salubrité est un défi constant pour le personnel d'entretien, du stationnement et du gymnase, auquel les trop nombreux groupes d'élèves ont si peu souvent accès.

C'est sans parler de la cour d'école, amputée des deux tiers, où doivent s'entasser les élèves pendant les périodes de récréation, et de la circulation, déjà infernale, pour les arrivées et départs au service de garde. Pour rester dans la métaphore immobilière, disons que certains vices cachés se terrent derrière ces modules.

Pendant ce temps, à Brossard du moins, une nouvelle école est construite à pas de tortue. La commission scolaire allègue des délais bureaucratiques normaux et des travaux de pieutage pour justifier les retards et le recours aux modules pour une période indéterminée. En réalité, l'interminable séance de crêpage de chignon entre l'administration municipale et la commission scolaire, au printemps 2013, a sérieusement retardé la première pelletée de terre. De plus, si les sommes dépensées pour la fabrication des roulottes temporaires avaient été investies en heures supplémentaires afin d'accélérer les travaux de construction, la nouvelle école aurait probablement été prête dans les délais initialement prévus.

Évidemment, tout ça est relatif. Des vies ne sont pas menacées, la paix mondiale n'est pas en jeu et les enfants n'y verront que du feu à travers leur regard rempli de candeur. Mais à force de tout relativiser, nous, adultes doués de raison, finissons par perdre la capacité de nous indigner pendant qu'on nous enfonce dans la gorge des solutions qui n'en sont pas.

En cette saison de rentrée scolaire, entre les commissaires qui voyagent à grands frais en invoquant des mandats de recrutement d'élèves étrangers et le facteur, messager en voie d'extinction, qui m'apporte un compte de taxes scolaires bonifié de 150$, je refuse de hausser les épaules en signe d'impuissance et encore moins d'accepter que la cage à poules scolaire soit apparue dans notre paysage pour y rester.

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