Pendant que des inspecteurs zélés de l'Office québécois de la langue française tapent sur les doigts des commerçants et des entreprises qui commettent l'odieux d'inscrire les mots «pasta» à leur menu, «exit» sur leur sortie de secours et «print» sur le bouton de leur photocopieur, on apprend, grâce à une étude présentée au congrès de l'Association francophone pour le savoir, que plusieurs enseignants sont rongés par l'insécurité devant leur piètre maîtrise de la langue et redoutent les moments où ils doivent écrire. Un bel exemple d'ironie toute québécoise, alors qu'écrire, loin d'être une tâche accessoire ou périphérique, est au coeur même des fonctions d'un enseignant.

Évidemment, le petit échantillonnage de cette étude, 44 enseignants sondés sur une base volontaire, ne permet pas de tirer de conclusions générales sur les compétences en français du corps professoral. Cependant, il est permis de croire que le problème est plus aigu et répandu qu'il n'y parait, plusieurs enseignants s'étant sans doute gardés de mettre leurs tripes sur la table.

La mécanique reliée à la création d'un ordre professionnel étant lourde et complexe, il serait préférable d'intervenir rapidement et vigoureusement, tout en évitant de nous enfarger dans les fleurs du tapis de la bureaucratie.

Vivement, donc, que les syndicats d'enseignants sortent leur tête du sable et consentent à l'évaluation des compétences de leurs membres, non pas en fonction de la performance de leurs élèves, mais bien de leur maîtrise personnelle de la langue française et de leurs connaissances dans leur champ d'enseignement respectif.

Vivement également l'imposition, plutôt que la simple recommandation, de cours pour corriger les lacunes et de formations continues pour maintenir les connaissances à jour.

Et puis pourquoi, histoire de stimuler la motivation et l'intérêt des enseignants à l'égard de leur perfectionnement, ne pas offrir une carotte au bout du bâton sous la forme d'un boni? La récompense financière est un remède terriblement efficace et universellement utilisé pour féliciter et encourager, sans compter que nos enseignants sont, au demeurant, largement sous-payés.

Finalement, il faudrait songer à remonter la chaine alimentaire et intervenir dès l'entrée à l'école en se rappelant qu'il y a, en ce moment même, plusieurs des enseignants de demain sur les bancs de nos écoles primaires. Lorsque mon fils aîné a commencé l'école en 2010, un seul conseil m'a été donné par mon cousin François, professeur de sciences au secondaire: «Fais-lui aimer la lecture». Il a en effet constaté que des élèves brillants et particulièrement doués en sciences échouent tôt ou tard s'ils ne maîtrisent pas la lecture et se trouvent incapables de lire et comprendre les questions écrites posées dans un examen de chimie ou de physique. Or, il est prouvé que la lecture et l'écriture sont intrinsèquement liées et qu'un enfant qui lit beaucoup réussira mieux en français écrit que celui qui lit peu ou pas.

Il y a au Québec des auteurs jeunesse exceptionnels et des programmes déjà en place dans nos écoles afin d'inciter les enfants à la lecture. Il faut toutefois innover, tout en usant d'originalité et de créativité, pour créer de nouvelles initiatives qui mettront aussi à profit la technologie, un acteur devenu incontournable. Évidemment, au risque de me répéter, l'exemple que nous offrons à nos enfants comme parents reste fondamental.

Les enseignants qui ont laissé leur orgueil au vestiaire en admettant leurs difficultés à écrire lèvent le voile sur une réalité troublante. Pourtant, aussi sérieux et préoccupant que soit le problème, des solutions concrètes sont à portée de main, dont certaines ne sont guère plus loin que le bout de notre nez.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion