L'histoire a fait grand bruit la semaine dernière. Un père de famille a dû débourser le prix d'un cinquième billet, 42$, afin que son bébé de trois mois puisse rester dans les bras de sa mère pendant une représentation du ballet Casse-Noisette.

Il n'en fallait pas plus pour que les forums de discussion et les tribunes téléphoniques s'enflamment. Certains ont affirmé que le père ne pouvait crier au scandale après le fait, alors que la politique de la Place des Arts quant à l'entrée des enfants aux spectacles est claire et bien en évidence sur le site internet. D'autres ont qualifié cette même politique de ridicule et abusive.

Au final, les Grands Ballets Canadiens a décidé de rendre l'accès gratuit à tous ses spectacles pour les enfants de moins de deux ans qui n'occupent pas de siège. Preuve, peut-être, que la politique, bien que claire, était difficilement défendable. Mais au-delà du caractère raisonnable ou abusif de la politique de la Place des Arts, ce débat a rapidement dérapé vers une confrontation des pro et contre bébés en public. Les premiers ont défendu le choix d'emmener un si petit bébé au spectacle, alors que les deuxièmes ont condamné le manque de jugement des parents.

Sous mon chapeau de mère de trois jeunes enfants, j'admets d'emblée mon manque d'objectivité sur la question. Mais je m'estime néanmoins compétente pour ajouter mon grain de sel à la discussion, mon propre baluchon débordant d'anecdotes, certaines cocasses, d'autres moins, sur mes expériences en public avec mes rejetons. Mes petits ayant été des modèles plutôt vocaux et peu discrets, j'ai vécu ma juste part d'épisodes de bébé affamé hurlant dans le panier d'épicerie et d'enfant contrarié se roulant sur le plancher de la pharmacie.

Surtout, j'ai entendu beaucoup plus de soupirs exaspérés que de paroles réconfortantes et j'ai croisé beaucoup plus de regards désapprobateurs que compatissants, autant de sources de noeuds dans l'estomac et de sueurs froides.

Dans le cas présent, je vois mal comment on peut légitimement reprocher aux parents d'avoir emmené leur bébé de trois mois à une représentation de Casse-Noisette. Il ne s'agissait pas de l'opéra Carmen, d'un concert de Pearl Jam ou de l'OSM, mais bien d'un spectacle familial auquel assistaient des enfants de tous âges qui gigotent, parlent fort, ont faim, soif, envie de pipi et qui sont souvent autrement plus turbulents qu'un bébé lové contre le sein de sa mère.

On tend malheureusement à oublier qu'après la naissance d'un enfant, surtout le quatrième d'une famille, la vie continue, qu'on ne laisse pas facilement derrière soi un si petit bébé, allaité de surcroît, et que les enfants ne devraient pas être considérés comme des nuisances publiques jusqu'à leur majorité.

Ces réactions hostiles sont particulièrement révélatrices de notre faible niveau de tolérance à l'égard d'autrui et des irritants que la vie en société implique. Nous nous insurgeons contre toute manifestation extérieure susceptible d'ébranler notre précieuse quiétude et de troubler notre confort chèrement acquis. Néanmoins, bien que l'exercice d'un jugement minimal est nécessaire au bon fonctionnement en collectivité, il faudra bien admettre que les enfants dérangeants, les spectateurs qui rient trop fort et les voisins d'avion qui sentent mauvais font partie des réalités de la vie qu'il vaut mieux accepter avec humour et philosophie.

2014 commence à peine et nous voilà déjà à nous égratigner l'épiderme. En cette ère de Charte des valeurs et de célébration du vivre-ensemble, nous pourrions peut-être relever ces défis en commençant par pratiquer l'art de l'ouverture, de la tolérance et de l'indulgence.

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