La procrastination se conjugue en plusieurs temps et de plusieurs façons, des devoirs et leçons que fiston reporte à demain au grand ménage que l'on renvoie aux calendes grecques. Ce vilain défaut ronge également nos gouvernements et autorités qui détournent souvent le regard devant des évidences, un geste qui entraîne parfois des conséquences beaucoup plus graves qu'un devoir en retard ou un amas de poussière derrière une cuisinière.

Ainsi, il aura fallu l'effroyable tragédie de Lac-Mégantic pour attirer l'attention de la classe politique sur la réglementation obsolète encadrant le transport des matières dangereuses. Et ce n'est que deux viaducs effondrés et quelques blocs de béton tombés plus tard que le gouvernement a investi massivement dans la réfection de nos routes, transformant nos trajets quotidiens en périlleuses odyssées à travers des chantiers à ciel ouvert colorés d'orangé.

En pleine rentrée scolaire, alors que des milliers de petits Montréalais prennent le chemin de l'école sac au dos, étincelles dans les yeux et rêves plein la tête, on apprend que 35% des écoles de la CSDM sont dans un état de vétusté très avancé. Plus concrètement, cette statistique signifie qu'il serait plus coûteux de rénover 27 bâtiments que de les reconstruire, que 55 établissements nécessitent des rénovations majeures qui rendront la cohabitation avec les élèves impossible, que 134 écoles sont dans un état préoccupant et que la vétusté de seulement 10 bâtiments est «maîtrisée». La CSDM prévoit que neuf écoles par année devraient être reconstruites ou rénovées en profondeur et ce, jusqu'en 2023. Utopique? Sans aucun doute. D'autant plus que cette stratégie d'intervention fait abstraction des problèmes associés aux moisissures et à la mauvaise qualité de l'air dans certains établissements.

Or, l'épisode des six écoles fermées en 2012 en raison d'une contamination fongique est certainement frais à la mémoire des parents dont les enfants ont dû être déplacés, par deux fois dans certains cas.

En janvier 2013, les élèves de l'école Baril, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, se sont même retrouvés pour une troisième fois dans un établissement où la qualité de l'air était douteuse. Pourtant, en mai 2012, la présidente de la CSDM, Diane de Courcy, annonçait un investissement de 68 millions$ et la création d'un Programme de qualité de l'air intérieur (PQAI) alors que 29 écoles étaient identifiées comme particulièrement à risque. En janvier 2013, l'argent nécessaire à la mise sur pied du PQAI n'avait toujours pas été octroyé par le ministère. Le mois suivant, ce sont les parents et syndicats qui ont formé une coalition pour contrer les problèmes de qualité de l'air en réclamant un budget supplémentaire annuel de 100 millions pour les 10 prochaines années.

Devant les chiffres dévoilés récemment, une commissaire a affirmé qu'il était «dommage d'avoir besoin d'en être rendu là». Quant à la ministre Marie Malavoy, elle invoquait, plus tôt cette année, le vieillissement des infrastructures et l'âge vénérable, 65 ans, du parc immobilier des écoles de Montréal pour expliquer les difficultés actuelles.

Il toutefois est raisonnable de penser que n'eût été une procrastination certaine à l'égard de travaux d'entretien périodiques et réguliers, bien des maux de tête, physiques et logistiques, auraient pu être évités.

Alors que des tuiles sont tombées du plafond la semaine dernière à l'école Saint-Louis-de-Gonzague, espérons que gouvernements et autorités n'attendront pas qu'un toit s'affaisse sur la tête des écoliers montréalais pour agir. La santé et la sécurité des élèves et enseignants de nos écoles méritent mieux que d'être remises à plus tard.

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