En 2010, Julie Snyder a fait du dossier de la procréation assistée une bataille personnelle, qu'elle a menée avec fougue et conviction jusqu'en commission parlementaire, où son plaidoyer est certainement encore frais à la mémoire de Philippe Couillard.

Trois ans plus tard, on constate qu'en 2011-2012, 5527 Québécoises se sont prévalues du programme de procréation assistée, pour une facture de 63 millions$, alors que ces chiffres sont passés à 6013 femmes et 60 millions$ en 2012-2013.

Les obstétriciens-gynécologues soulignent que notre programme est salué dans le monde entier puisqu'il a permis de fournir des services aux couples infertiles tout en réduisant la proportion de grossesses multiples de 28% à 5%. Mais lorsqu'on apprend que les revenus moyens de plusieurs de ces mêmes obstétriciens-gynécologues ont augmenté de 60% depuis la création du programme, on comprend un peu mieux leur enthousiasme débordant.

Informé de quelques dérapages, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a récemment confié au commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois, le mandat d'examiner les questions éthiques associées à ce nouveau programme et la possibilité d'établir des balises quant à son accessibilité.

Son annonce a été suivie par la sortie du président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui, avec son franc-parler habituel, a affirmé que seuls les couples souffrant d'infertilité en raison d'une condition médicale devraient bénéficier des services publics, qualifiant le programme actuel de «bar ouvert». Le Dr Gaétan Barrette suggère la tenue d'un débat de société afin de déterminer, notamment, si les femmes célibataires et les couples de même sexe devraient avoir accès au système public de procréation assistée.

Si les propos du Dr Barrette en ont choqué certains, il faut admettre que, fiers de notre succès bien québécois, nous semblons avoir oublié que ce programme est né dans la controverse. Les critiques ont été sévères devant le choix du gouvernement d'investir autant d'argent dans ce projet alors que notre système de santé, dont le rôle premier est de soigner, saigne lui-même de partout. Éthiciens et juristes ont également rappelé qu'il n'existe pas un «droit à l'enfant» que le gouvernement serait tenu de garantir à chaque citoyen qui souhaite réaliser son rêve de parentalité.

Certaines des inquiétudes exprimées en 2010 se sont d'ailleurs matérialisées par de tristes histoires qui sont passées à travers les mailles du filet et qui ont attiré l'attention du ministre. Et si la réduction du taux de grossesses multiples doit être célébrée, une nouvelle réalité se dessine à travers les plus récentes statistiques de l'ISQ qui révèlent que les Québécoises deviennent mères de plus en plus tard; un constat qui, selon les médecins et les sociologues, n'est pas étranger à la plus grande accessibilité aux traitements de fertilité. Or, les études médicales démontrent que les femmes plus âgées, et les enfants qu'elles portent, sont plus vulnérables aux complications pendant la grossesse.

Bref, le dossier de la procréation assistée est fait de nuances, de subtilités, et les questions qu'il soulève ne trouveront jamais la voie du consensus social. Ceci dit, les préoccupations éthiques sont sérieuses, légitimes, et rendent nécessaire une évaluation minutieuse du programme actuellement en place.

Les susceptibilités que cet exercice pourrait écorcher ne devraient par ailleurs pas servir d'excuses pour se cacher derrière l'argument des libertés individuelles en repoussant les enjeux éthiques du revers du pied comme la poussière sous un vieux tapis.

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