À quelques mois d'intervalle, deux Américaines, Anne-Marie Slaughter et Sheryl Sandberg, ont ajouté leur grain de sel au débat épicé de la conciliation travail-famille.

La première a affirmé, après avoir quitté un poste prestigieux et exigeant auprès d'Hillary Clinton pour être plus présente pour son fils, que même en 2012, «les femmes ne peuvent pas tout avoir».

La deuxième, directrice générale du géant Facebook, a plutôt plaidé que les femmes ont le pouvoir, voire le devoir, de défoncer le plafond de verre.

Cet éternel défi de la conciliation travail-famille provoque chez moi des émotions en montagnes russes. Elles vont de la grisante, quoique fragile et éphémère, illusion d'être en plein contrôle de la situation, au gouffre dans lequel je m'enfonce quand, loi de Murphy oblige, tout explose en même temps, me laissant avec la culpabilisante impression de tout faire à moitié.

Je réfléchis donc aux propos de ces femmes, alors que la saison des microbes bat son plein et que mes trois lionceaux, affaiblis par des petites maladies aussi bénignes qu'incommodantes, ont le rugissement plaintif. Il y a présentement dans ma maison six oreilles, six poumons et trois gorges, tour à tour pris d'assaut par les virus, et deux parents complètement débordés.

En pleine tourmente, je me suis donc demandé qui, de mesdames Slaughter ou Sandberg, offrait les meilleures réponses à mes grandes questions existentielles.

D'abord, il faut reconnaître que plusieurs obstacles rencontrés par ces Américaines sont absents du paysage québécois, reconnu pour la générosité de ses programmes de soutien comme le régime d'assurance parentale et le réseau de CPE. Les confidences de Mme Slaughter sur les difficultés vécues par son fils sont par ailleurs très révélatrices des sentiments inhérents à l'instinct maternel et elles démontrent, n'en déplaise aux disciples de la délégation, que certaines responsabilités ne se délèguent pas aussi facilement qu'un panier de linge sale.

Ceci dit, je doute que Mme Sandberg ait quant à elle accompagné ses petits chez le médecin, qu'elle ait supervisé leurs devoirs et cuisiné des biscuits avec eux. Ou peut-être a-t-elle fait tout ça, optant plutôt pour un deuxième quart de travail, entre 20h et minuit, une fois les enfants au lit. C'est un choix qui se vaut, dans la mesure où les capacités, physiques et mentales, de l'assumer sont au rendez-vous.

La portion du discours de Mme Sandberg où elle lance un cri de ralliement aux femmes en les invitant à faire front commun, à s'appuyer et s'épauler plutôt qu'à se démolir et se dénigrer est rafraichissante et inspirante. Elle devrait toutes nous interpeller, nous qui excellons parfois dans l'art sournois des comparaisons et de la jalousie, créant ainsi une division malsaine qui nuit à nos intérêts communs. Le dicton «l'union fait la force» restera toujours utile et pertinent dans un monde où l'égalité des sexes ne sera jamais un dossier entièrement classé.

À travers leurs propos, Anne-Marie Slaughter et Sheryl Sandberg, deux femmes cultivées et réfléchies dont les parcours sont jalonnés d'expériences riches et diversifiées, réussissent certainement à nourrir nos réflexions et alimenter nos discussions. Elles ne proposent toutefois pas de formule magique.

Leurs témoignages confirment que si la solidarité peut servir certaines batailles, au final, il appartient à chacune de nous de créer la recette, dont les ingrédients peuvent varier au gré des époques de nos vies, qui nous rend heureuse et nous permet de nous sustenter, personnellement et professionnellement.

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