La Commission d'examen des troubles mentaux a rendu sa décision mercredi: Guy Turcotte est un homme libre, sous réserve de conditions peu contraignantes. À la suite de cette annonce, des soupirs exaspérés se sont poussés, des tollés se sont soulevés et des objections indignées ont été exprimées. Force est d'admettre que le Québec, à fleur de peau, ne se remettra jamais complètement du verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux prononcé au terme du procès de l'ex-cardiologue.

Je crois toutefois que nous commettons une erreur en accusant la Commission de rendre la liberté à un criminel. Nous lui faisons ainsi payer pour notre rage et notre révolte en regard du verdict du jury. Nous entretenons l'espoir que quelqu'un, quelque part, puisse réparer ce que nous estimons être une grossière erreur et une injustice. Malgré tout, je suis d'avis que la Commission a accompli son travail avec compétence puisque le mandat qui lui était confié était d'un tout autre ordre que celui du jury.

Impossible, pourtant, d'en vouloir à Isabelle Gaston d'être de toutes les tribunes pour exprimer sa colère, son incompréhension et ses appréhensions face à cet ex-conjoint qu'elle croit capable d'attenter à sa vie. Impossible aussi pour elle de laisser la partialité et la subjectivité au vestiaire et de taire la voix de son coeur; on lui a ravi la chair de sa chair, de la façon la plus ignoble qui soit.

Objectif, personne ne pourra jamais l'être vraiment dans ce dossier, mais j'ai la conviction qu'il faut néanmoins faire confiance aux institutions qui sont, et seront appelées à se prononcer. C'est vrai pour la Commission d'examen des troubles mentaux aujourd'hui et ce le sera pour la Cour d'appel demain qui sera chargée d'entendre l'appel de la couronne. Il faut également se rappeler qu'au-delà du désaccord collectif avec le verdict rendu par le jury, cette affaire a aussi réveillé des enjeux sociaux.

D'abord, si Guy Turcotte a pu recevoir un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, c'est avant tout parce que l'article 16 du Code criminel permet d'invoquer ce moyen de défense. À partir du moment où nous faisons le choix de société d'inclure cette option dans nos lois, on ne saurait reprocher à un accusé d'y recourir. Il appartient alors au juge ou au jury d'évaluer la valeur de cet argument et de rendre une décision. Ne nous en déplaise, c'est la lourde tâche dont se sont acquittés 12 de nos concitoyens membres du jury en ayant accès à des éléments de preuve qui sont restés étrangers au tribunal du peuple.

Ensuite, ce dossier soulève la délicate question du fossé entre la justice des riches et celle des pauvres. Au milieu de la tourmente, ils ont été nombreux à se demander si l'issue du procès aurait été la même, n'eût été la capacité de Guy Turcotte de s'offrir les services de ténors du Barreau. Cet épineux sujet touche droit au coeur des notions d'accès à la justice et d'équité et mérite certainement qu'on s'y attarde et en débatte. Malheureusement, cette préoccupation semble avoir été diluée dans le flot de la révolte populaire avant de brièvement ressurgir dans la foulée des événements survenus à Drummondville. Il est à espérer que les lendemains de ces horribles drames nous permettront d'aborder ces enjeux avec courage, honnêteté et franchise.

Je ne plaide pas ici pour ou contre Guy Turcotte, mais plutôt pour que sous le coup de l'émotion et de l'indignation, nous évitions de tirer à boulets rouges sur la mauvaise cible en esquivant des questions fondamentales laissées dans le sillage de cette tragédie.

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