Ils sont tellement mignons; l'aîné est gardien de but au niveau novice A et le cadet essaie, au stade pré-novice, de manier le bâton tout en restant debout sur ses patins, ses joues rougies par l'effort et ses petites mèches blondes mouillées de sueur collées à son front. C'est sans parler de leur paternel, fier entraîneur adjoint pour les équipes de ses fils, heureux d'être debout à 5h30 le samedi matin pour diriger les séances d'entraînement.

Ma famille est devenue hockey et moi, à qui ce sport n'avait toujours inspiré qu'une indifférence blasée, je me surprends à assister aux parties avec plaisir et excitation. Et quand, après qu'il ait manqué un arrêt crucial, je vois mon grand garçon courber les épaules, hocher la tête, abattu, et que j'entrevois ses beaux yeux bleus s'embuer de larmes derrière son masque deux fois gros comme sa tête, mon coeur de mère souffre avec lui.

Aussi formidable que soit cette expérience familiale, elle demeure assombrie par la menace des mises en échec qui plane au-dessus de la patinoire à mesure que défilent les niveaux. Mon gardien de but y sera évidemment moins exposé, mais lorsqu'un joueur, sonné, s'étend de tout son long sur la glace, c'est tout un village de parents, cordés dans les gradins, qui retient son souffle.

On sait maintenant que les risques de commotions cérébrales augmentent par un facteur de trois à quatre dans les ligues où les mises en échec sont tolérées, que les effets de ces commotions incluent des problèmes graves et permanents et que le cerveau immature des enfants et des adolescents n'est pas équipé pour réagir adéquatement à ces agressions.

Sur la foi de ces données scientifiques, les neurologues recommandent donc d'élargir l'interdiction des mises en échec à tous les niveaux inférieurs au bantam AA alors qu'elles sont présentement permises dans le double lettre, tous niveaux confondus. Les associations de hockey résistent au changement, au motif que le Québec est déjà plus sévère que le reste du Canada où les mises en échec sont acceptées dès le niveau pee-wee, sauf en Ontario.

Au-delà des preuves médicales solides, il existe d'autres arguments, non moins convaincants.

Premièrement, la violence et les mises en échec n'apportent aucune valeur ajoutée au hockey. La beauté de ce sport repose dans la vitesse du coup de patin, la maitrise de la rondelle et le travail d'équipe; la violence ne sert que l'instinct animal de l'homme juché dans les estrades qui grogne en brandissant le poing.

Deuxièmement, la très grande majorité de ces jeunes joueurs ne gagneront pas leur vie en poussant une rondelle de hockey et pour plusieurs, leur cerveau sera leur principal outil de travail à l'âge adulte. Je ne peux concevoir que l'on permette que soit malmené ce délicat organe au nom de la montée d'adrénaline provoquée par le spectacle d'un coup bien placé.

Le hockey tient à la fois de la religion et de notre ADN collectif. C'est aussi une école de vie et une courroie de transmission de plusieurs valeurs comme le respect de l'autorité et des pairs, le dépassement de soi, l'effort dans l'adversité et l'humilité. Il en va de notre responsabilité sociale et parentale de nous assurer que ces leçons soient offertes dans un environnement sécuritaire et que ne soit pas mis en péril le précieux héritage légué par des années de hockey.

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